LETTONIE

République de Lettonie
Capitale : Riga
Superficie : 63 700 km2
Population : 2 685 000 hab.

Situation actuelle (1994)

De même famille ethno-linguistique balte que les Lituaniens (et les Borusses disparus), les Lettons, mis à part une minorité catholique, partagent avec les Finnois estoniens la religion luthérienne. Mais avec ces deux peuples, ils forment un ensemble baltique très caractérisé que soudent d'évidents intérêts communs, face aux séculaires impérialismes de leurs voisins slaves et germaniques.

Perspectives ethnistes

La Lettonie, dont les frontières correspondent parfaitement à l'aire de peuplement letton, n'a pas seulement subi au cours de ce siècle l'impérialisme politique des Tsars puis des Soviets ; elle a également connu une colonisation de peuplement slave à prédominance russe qui obère lourdement la préservation de sa récente indépendance.
Concentrées autour de la capitale et dans l'est du pays, ces minorités constituent une menace permanente pour l'identité lettone. A ce titre, elles doivent être progressivement et drastiquement réduites.
Leur rapatriement graduel s'impose donc. En sens inverse, le retour des nombreux Lettons dispersés en Russie, où bien souvent ils furent déportés, doit être assuré.
La toute petite communauté live de souche finnoise, vivant dans le nord de la Courlande et reliquat d'une population plus importante (anciennement assimilée par les Lettons) doit pouvoir bénéficier du respect de son identité ethnique et linguistique. A moins qu'ils ne préfèrent émigrer dans ce pays, un statut d'autonomie nationale (préfigurant ou non le rattachement à l'Estonie voisine) doit leur être accordé . Ce serait un gage de plus de la parfaite entente des peuples baltiques.
Peuple pacifique, les Lettons n'auront aucune difficulté à admettre et à respecter les droits des minorités résiduelles lorsque la liberté politique, économique et culturelle de leur petit pays sera garantie non seulement par les traités mais aussi par les réalités objectives.

Jean-Louis Veyrac 1994


L'exemple letton

C'est du Nord de la Courlande que nous vient cet exemple. Là a survécu un parler finnois (1), le livonien, autrefois beaucoup plus répandu (2).
Durant l'occupation allemande, puis russe (tsariste), l'usage du livonien ne cessa de régresser. Une renaissance fut favorisée par la création de la Première république lettone et, en 1920, fut fondée la "Société du livonien, langue maternelle". Des livres en livonien furent publiés, non seulement en Lettonie mais aussi en Estonie et en Finlande. Durant la seconde occupation russe (soviétique), ce parler faillit disparaître : si au recensement de 1925, il restait 1200 personnes à le pratiquer, surtout pêcheurs et artisans, ils n'étaient plus qu'une centaine en 1989.
Depuis 1991, le gouvernement letton a pris des mesures pour sauver cette communauté. Un territoire culturel et historique protégé a été établi : Livod Randa (Côte livonienne (3)), avec Mazirbe pour capitale. Des moyens ont été adoptés pour une renaissance du parler, de la culture et des traditions livoniens. Les conditions économiques et d'environnement ont été améliorées pour permettre aux familles dispersées dans tous les pays de pouvoir revenir dans leur contrée d'origine. Voilà un cas remarquable de restauration ethnique positive, et tout ceci se fait volontairement, sans coercition, sans viols et sans massacres : nous ne devons pas compter sur la "grande" presse pour nous en informer.
À Mazirbe, chaque année, environ 70 enfants sont réunis par groupes pour apprendre le livonien. Des publications nouvelles paraissent. La Société culturelle livonienne et l'administration du territoire organisent ensemble, chaque année également, une conférence internationale sur l'histoire, la culture, la démographie, l'économie et l'écologie du pays livonien. Lors de la dernière conférence qui fut organisée de façon à coïncider avec un festival de folklore local, participèrent des scientifiques de Lettonie, d'Estonie, de Finlande, de Suède, de Russie et des "républiques" des Komis et des Maris (4).
Toutes ces activités sont financées par le gouvernement letton alors que rien ne l'obligeait à le faire : il n'a cédé ni devant des pressions de masse car les Lives étaient devenus trop peu nombreux pour pouvoir imposer leur reconnaissance, ni devant des actions terroristes; il n'a pas répondu non plus à une pression extérieure car la "communauté internationale" ne se préoccupe pas plus des Lives que des autres "minorités". Les Lettons auraient pu patienter quelqes dizaines d'années, sans agir, l'assimilation complète des Lives et de leur langue aurait ainsi atteint sa "frontière naturelle", la mer. Ce qui motiva leur attitude et la création de Livod Randa, à mon avis, c'est leur propre expérience nationale. Pendant des siècles, les Lettons furent soumis à l'oppression nationale, au génocide (5) et à l'ethnocide (6). Si l'Union soviétique ne s'était pas effondrée et si la politique d'immigration russe avait pu continuer, le nombre de Lettons n'aurait pas cessé de diminuer et, après les Lives, ils auraient disparu comme disparut autrefois, un autre peuple balte, les Vieux-Prussiens.
Les Lettons auraient pu se contenter de mesures symboliques mais en octroyant un territoire, les moyens économiques pour le rendre viable et en enseignant la langue aux enfants, ils ont tout mis en oeuvre pour conserver à cette contrée, son identité finnoise.
Voilà un exemple à suivre pour beaucoup d'Etats qui sont plus préoccupés par l'expansion, à l'étranger, de leur langue dominante (7) que par la protection, sur leur territoire, des langues dominées (8). Cet exemple pourrait être suivi par les "organisations internationales" - qui mériteraient mieux le nom d'"organisations interétatiques" - beaucoup plus promptes à voler au secours des langues impériales dès que leur hégémonie est menacée qu'à sauver celles qui sont véritablement en danger de mort (9). Les Occitans, comme beaucoup d'autres, nous n'avons pas à faire à des Etats de l'espèce lettone. Pour nous sauver, nous ne devrons compter que sur nous-mêmes (10)

NOTES
1. Les informations de base de cet article sont puisées dans la revue "Contact Bulletin" (hiver 1995). Le professeur DIACHKOV, auteur de l'article, parle de langue livonienne". F. FONTAN, lui, considérait les Lives comme faisant partie de l'ethnie finnoise. Quoi qu'il en soit, une langue mérite d'être conservée dans toutes ses variétés qui en font la richesse.
2. Voir dans "Lo Lugarn" n° 54, l'article du professeur Asher STERN.
3. Autrefois, les Lives se nommaient "Randalist", le Peuple de la Côte.
4. Dans ces deux "Républiques", sont parlées des langues ouraliennes parentes du finnois.
5. La Lettonie qui avait perdu 27 % de sa population lors de la Première Guerre mondiale subit une autre hémorragie durant la Seconde du fait des massacres et de l'émigration. Les élites lettones furent systématiquement éliminées soit physiquement soit par la déportation en Sibérie.
6. Les Lettons qui représentaient 77 % de la population en 1939, n'en formaient plus que 48 % en 1989. Leur langue n'était plus langue officielle.
7. D'après "Le Monde" du 24/03/96, la France dépenserait dix milliards de francs par an pour sa diplomatie culturelle (francophonie).
8. Ce n'est pas un hasard si les Etats où les minorités sont les moins maltraitées sont surtout des Etats qui n'ont ni prétentions mégalomaniaques universalistes ni rêves de grandes ou moyennes puissances. Voir à ce propos "Lo Lugarn" n° 42 pour la politique de la Slovénie à l'égard de ses minorités hongroise et italienne; "La Setmana" n° 44 pour la politique de la Suisse à l'égard des Romanches; à l'inverse, d'après "Les Nouvelles de Survival" n° 22, aux USA , les crédits consacrés à l'éducation bilingue ont été réduits des trois-quarts.
9. Le "Courrier International" n° 276 a consacré un supplément aux "2000 langues en danger de mort".
10. Voir toutefois "Prouvenço d'Aro" n° 99 pour la politique culturelle catalane en Val d'Aran. Il est vrai qu'il s'agit là de la Généralité et non de l'Etat espagnol.

André Viatge 1996

Voir aussi :
carte des Pays Baltes, Estonie, Russie

tableau des populations, ethnies, langues, religions

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