SOLIDARITE MONDIALE
Pourquoi chercher si loin pour résoudre les problèmes de l'homme ? Ne suffit-il pas simplement d'oublier les différences génétiques ou autres des peuples et d'adopter envers toutes les ethnies une attitude humaniste universelle de solidarité, c'est-à-dire : arrêter famines et guerres, guérir les maladies, diminuer la mortalité infantile, s'attaquer aux inégalités sociales, etc. ?
C'est va de soi : lorsqu'une ethnie subit un fléau naturel, il faut lui porter secours, mais ce serait une erreur de vouloir mettre un terme à tous les fléaux dont est victime l'humanité à partir d'une vision égalitariste de l'espèce. Vouloir faire le bien des autres n'est pas sans danger, le bien ne peut en aucun cas être le même pour tous. La vision égalitariste impute les fléaux à l'environnement et à l'économie sans prendre en compte les différences culturelles dont ils sont souvent une conséquence : ce qui est bien pour un peuple peut être mauvais pour un autre. C'est une erreur de vouloir chercher à résoudre des problèmes à partir d'un critère identique qui voudrait voir chaque peuple adopter le même idéal de bien-être en supposant pour chacun d'eux les mêmes possibilités d'adaptation. Ce qui, nous l'avons vu, au lieu de rendre certaines ethnies plus indépendantes les rend au contraire plus dépendantes, et par conséquent plus vulnérables aux fléaux que l'on se proposait de combattre. C'est en prenant en considération les différences qu'on envisagera la solidarité sur des bases réellement positives.
ETHNIES PURES
La revendication de la différence et de l'identité des ethnies n'aboutit-elle pas à la revendication de pureté, car comment préserver l'identité en autorisant les mélanges ? N'est-ce pas aussi dans ladite pureté que nous trouvons les sources de la xénophobie ?
L'ethnisme ne fait pas l'apologie d'une quelconque pureté génétique. Il n'est ni pour ni contre les mariages inter-ethniques. Son but, je le répète, est la préservation naturelle des cultures, l'élimination des oppression et non la création d'ethnies dites supérieures. Cette préservation des cultures et des langues n'implique pas une fossilisation des structures à l'intérieur de l'ethnie.
NATIONAL-SOCIALISME ET IMPERIALISME
Je vois plus de points communs entre le nazisme et l'ethnisme qu'entre le communisme et l'ethnisme, entre autre, parce que le national-socialisme souligne avec force l'existence d'une nation, tandis que le communisme pense à un monde sans frontière.
Le national-socialisme allemand, bien qu'au départ en partie fondé sur des revendications nationales correctes, parmi lesquelles le refus du Traité de Versailles foncièrement injuste et imposé par les Alliés à la population allemande, s'est transformé, d'une part en impérialisme (conquête sur d'autres ethnies) et, d'autre part, en racisme( : énonçant la supériorité de la race aryenne sur les autres).
A partir de cela, le national-socialisme est exactement ce que l'ethnisme combat. Néanmoins, quand on parle de la politique exérieure de l'Allemagne de 1939, on la condamne sans analyse, ce qui est une erreur car, en refusant de comprendre les raisons qui ont fait naître une telle politique, on risque un jour de se retrouver dans la même situation. Je crois donc important qu'une analyse ethniste de la politique allemande soit faite : il apparaîtra alors que plusieurs options étaient positives, et certaines des revendications légitimes. Entre autres, lorsque l'Allemagne revendiquait le droit à l'auto-détermination des populations, de langue allemande, en Tchécoslovaquie et en Autriche en proposant leur rapatriement : ces populations de culture allemande étaient en droit de réclamer la reconnaissance de leur identité et leur union. Par contre, il est clair aussi que lorsque Hitler manipula le désir de ces populations et s'en servit pour envahir et opprimer d'autres ethnies, il se révéla impérialiste et raciste. La frontière entre l'impérialisme et le nationalisme est ténue. Le nationalisme ethniste doit être entendu comme "défense des intérêts légitimes de l'ethnie". Les intérêts justes d'une nation s'arrêtent où commencent les intérêts justes des autres nations (ethnies). Si l'union de tous les allemands dans un même Etat est légitime, par contre, l'union de tous les Germains ne peut être que la réalisation de l'impérialisme d'une des nations germaniques sur les autres (Hitler étouffant les Néerlandais de l'Allemagne du Nord, par exemple).
RACISME ET DIFFERENCE
Vous dites que ce qui différencie l'ethnisme du racisme est que le premier admet les différences sans leur accoller un jugement de valeur, tandis que le second tend à vouloir prouver la supériorité d'une ethnie sur une autre. Est-il possible à un peuple d'assumer sa différence sans se croire supérieur ? Comment imaginer un peuple ou même un individu qui croirait par exemple à une religion dans qu'elle soit universelle, c'est-à-dire dans le vrai absolu ?
Toute ethnie est ethnocentrique mais cela n'implique pas qu'elle doive être impérialiste. Exactement comme chaque individu peut exister dans le respect de l'autre. Vous n'obligez personne à se conformer à vos goûts, pourtant vous croyez avoir raison.
Racisme ou pas, si l'on compare les capacités intellectuelles d'un Bochiman à celles d'un Anglais, n'y a-t-il pas supériorité évidente de l'Anglais ?
Tout dépend de ce que l'on mesure. L'européen sera capable de classer, c'est-à-dire de se servir de son cerveau pour les exercices auxquels son mode de vie l'a préparé. Le Bochiman, lui, dispose d'autres capacités dans des situations différentes. Sa culture est aussi complexe que celle de l'européen, il peut par exemple discerner des centaines de plantes et d'espèces animales. Le Bochiman comme l'européen n'ont jamais que les capacités qui les aident à survivre.
Le milieu dans lequel évolue le Bochiman tend à être envahi par des murs et des techniques occidentales. Le Bochiman ne va-t-il pas disparaître avec lui ?
J'espère que non. Un milieu culturel disparaît difficilement et puis c'est à l'ethnisme de veiller sur ses droits en combattant les situations oppressives.
DANS MILLE ANS
Admettons que dans cinquante ans le schéma ethniste soit crédible et que l'on ne puisse pas ignorer la réalité des ethnies, etc. Mais, dans mille ans, ne pensez-vous pas que l'unité de l'homme se fera, sinon autour d'une langue, du moins d'un type de civilisation commun ?
Il s'agit là d'une affirmation unilatérale qu'aucun fait ne confirme ni ne justifie. Si nous observons l'histoire du monde à partir de la première cellule vivante, il y a des millions d'années, qu'observons-nous ? C'est de cette première cellule que viennent toutes les formes de vie actuelle; la différenciation en est l'inévitable direction. Le principe même de la vie est donc la diversification. Depuis les premiers insectes, plus de dix mille espèces différentes sont apparues; ainsi, si l'on peut noter un processus d'accentuation des différences en biologie, pourquoi n'en serait-il pas de même pour les cultures humaines ?
Vous oubliez que dans ce même schéma de l'évolution de la vie sur terre, des milliers d'espèces ont disparu. N'en sera-t-il pas de même pour de nombreuses ethnies ?
Même si de nombreuses cultures sont en voie de disparition et que d'autres ont déjà disparu, cela n'infirme pas la thèse de la diversification, et ne contredit en rien le droit des ethnies à lutter pour leur survie. L'ethnisme ne préjuge pas de l'avenir : il ne fait que constater une dynamique des ethnies et défend leur droit à la différence.
Si, comme vous le supposez, l'histoire de l'homme ressemble à un arbre parti d'une même racine grandissant et se séparant en de nombreuses branches, croyez-vous que, dans mille ans, il y aura toujours communication entre les différentes branches de l'espèce humaine ?
Les différenciations ne jouent pas sur mille mais sur dix mille ans (l'homme est apparu il y a cinquante millions d'années). Quelle que soit l'évolution de l'espèce humaine, il y aura une accentuation des différences.
Quand nous comparons la culture des Esquimaux à celle des Papous ou à celle des Hollandais, nous sommes impressionnés par leurs différences. Mais on peut faire aussi l'inventaire de ce qui les unit : on peut toujours voir un problème sous deux angles différents et ici, on peut rechercher ce que ces cultures ont de commun au lieu d'observer ce qui les distingue.
Exact. Nous avons tous, pygmés ou anglais, deux jambes et une tête. Mais rappelons-nous que d'une langue et d'une culture (indo-européenne) sont issues toutes les langues européennes d'aujourd'hui sauf le basque et le finnois. La diversification est la règle. Dans le règne animal les exemples ne manquent pas où, à partir d'un tronc qui se maintient, apparaissent des centaines d'espèces différentes. Il semblerait que c'est là le sens de la vie.
LA DYNAMIQUE SEXUELLE
La sexualité n'apporte pas d'élément modérateur en ce qui concerne le mélange des ethnies : la jeunesse actuelle admet très bien les mariages mixtes et porte en elle une dynamique d'unification. Votre fille peut tomber amoureuse d'un Arménien, d'un Kurde ou d'un Bantou et avoir un enfant de lui.
Exact, l'élan sexuel se passe au niveau des corps et non du langage ou du culturel. Cela parce que l'adolescent est naturellement ethnocentrique et universaliste : il croit que l'autre est comme lui. Mais lors d'un mariage inter-ethnique ce n'est pas une nouvelle ethnie qui apparaît; l'un des conjoints perd sa culture et s'adapte à celle de l'autre. Cela n'est pas négatif si mutuellement consenti mais il n'y a ni nouvelle langue ni unification de l'espèce humaine comme vous le supposez.
ACCELERATION DE L'HISTOIRE
Il y a un phénomène qui vous ne prenez pas en compte, c'est l'accélération de l'histoire. Les changements intervenus pendant le XX siècle sont si importants, nombreux et rapprochés les uns des autres que les nouvelles générations sont culturellement déracinées. Les enfants ont de plus en plus de peine à faire le lien avec la culture de leurs parents; la culture technologique arrive comme un bulldozer et lamine les traditions, unifiant tout.
J'ai déjà répondu que les transformations technologiques sont peu de choses en comparaison du fond culturel que représente la langue et qui est le produit de milliers d'années d'évolution : c'est comme un tamis qui laisse ou non filtrer la technologie. Par ailleurs, nous avons vu que, dans de nombreux cas, la jeunesse reprend le flambeau de l'identité ethnique. Cette culture technologique, qui vous semble très présente, est superficielle. Et, plus l'individu avance en âge, plus il renoue avec ses racines.
PSYCHOLOGIE DES PEUPLES
Que pensez-vous de la pyschologie des peuples et de la psychanalyse des cultures ?
Il ne faut pas que l'interprétation psychanalytique des cultures reproduise la même erreur que l'évolutionnisme, laissant supposer l'existence de stades différents par lesquels passent obligatoirement les cultures. Comme les enfants passent d'une classe à une autre, les cultures passeraient du stade anal au stade dipien pour atteindre enfin une certaine normalité, d'où une hiérarchie dans le temps. Cela est faux : toutes les ethnies du monde ont à peu près le même nombre d'années et de générations derrière elles; il n'y a pas, d'une part, des ethnies jeunes, et d'autre part des vieilles.
Une certaine psychanalyse explique que la xénophobie et le racisme résultent souvent d'une frustration des individus, frustration issue d'une sexualité dipienne créant chez les individus séparés de leur mère un manque. Manque qui se transforme en agressivité qui trouve dans l'autre (l'étranger) un objet sur lequel déverser cette agressivité. Si tel est le cas, au lieu de chercher à diviser le monde en ethnies, pourquoi ne pas entreprendre une thérapeutique psychanalytique ?
Pour permettre une thérapeuthique sexuelle de groupe il faut qu'il qu'il y ait situation de groupe et il faut également qu'elle soit autogérée par le groupe. Pour le moment, les situations présentes sont des situations de dépendance et d'oppression. Ensuite, les ethnies, au fur et à mesure de leur accession à l'indépendance, entreprendront d'elles-mêmes d'éliminer leur tendance impérialiste.