DEBAT POUR OU CONTRE - 09

GUERRE OU TERRORISME

Quelle différence faites-vous entre terrorisme et guerre de libération nationale ?

Une guerre implique des armées, des mercenaires, des appelés, alors que la lutte de libération nationale implique une minorité ethnique, consciente et volontaire, luttant de l'intérieur contre un Etat oppresseur. Une lutte de libération nationale coûte moins en vies humaines qu'une guerre qui suppose des destructions massives. Aussi, les individus en présence prennent leurs responsabilités et assument à titre individuel leur engagement. Il n'y a pas d'appelés.

Comment s'articulent les unes par rapport aux autres les guerres à caractère économique, celles à caractère culturel et celles qui sont simplement militaires ?

La guerre des langues, c'est-à-dire la guerre culturelle, est permanente. Elle a lieu chaque fois, par exemple, qu'un produit porte une étiquette rédigée dans une langue différente, qu'un film n'est pas sous-titré, chaque fois que vous subissez une autre langue et surtout dans le cadre de l'enseignement. Elle est presque toujours accompagnée d'une guerre économique, dégénérant alors seulement en guerre militaire, dans certains cas.

ETHNIES PACIFIQUES

Dans le cadre des différentes ethnies, existe-t-il des ethnies guerrières et d'autres pacifiques ? L'agressivité peut-elle être une caractéristique ethnique ?

Votre question est faussée; car elle confond agresseurs et agressés, attaque et défense : ce sont deux formes de combat à distinguer. Par ailleurs, je crois que les ethnies considérées comme guerrières, le sont devenues par nécessité de survie, comme d'autres sont devenues agricoles. Mais à aucun moment la théorie ethniste n'acceptera d'assumer l'oppression d'une ethnie sur une autre comme une norme.

FRANCE EN GUERRE

S'il y avait une guerre, quelles en seraient les conséquences pour la France ?

Absolument impossible à prévoir. On peut néanmoins faire quelques conjectures. Celui qui attaquera la France cherchera à éliminer le plus complètement possible son ennemi. Dix ans après la deuxième guerre mondiale, l'Allemagne et le Japon étaient debout, et ce n'est donc pas en détruisant quelques usines ou installations militaires qu'un adversaire peut espérer détruire la dynamique française. Si tel était son but, c'est-à-dire éliminer pour longtemps toute résistance et toute renaissance d'une dynamique ethnique française, il chercherait à détruire Paris.

Les villes d'art comme Paris, Florence, Rome ont toujours été des sanctuaires culturels qu'aucun conflit armé n'a jamais osé attaquer. Il y aurait, dans le monde entier, une réprobation unanime.

Depuis la préhistoire en passant par le Moyen-Age, les guerres se sont transformées toujours vers plus de réalisme, dans une logique de la destruction des points sensibles de l'ennemi. L'Etat français ayant tout centralisé sur Paris (sa culture, son pouvoir politique, scientifique et économique, bref son élite), il suffit de détruire Paris pour décapiter la francophonie : ce serait, hélas, l'une des conséquences de la politique centralisatrice française.

Est-ce que cela mettrait fin à l'ethnie française ?

Pas du tout. La langue et l'ethnie françaises survivraient de toute façon, mais la France perdrait à coup sûr son élan expansionniste et passerait à la défensive.

GUERRE MONDIALE

Votre discours fait froid dans le dos. Vous banalisez la possibilité de millions de morts. L'ethnisme peut-il éviter une guerre mondiale ?

L'ethnisme est la seule politique pouvant diminuer les risques d'un conflit mondial. Refuser de reconnaître les réalités ethniques c'est conforter les impérialismes, donc leurs conséquences parmi lesquelles l'augmentation du coefficient de révolte : plus on opprime une population, plus celle-ci risque de préférer le conflit à l'élimination culturelle ou à la soumission. Et une telle atmosphère dans le monde ne faut qu'augmenter les risques d'un conflit mondial.

En cas de guerre mondiale, le rêve d'un monde pluri-culturel ethniste ne s'envole-t-il pas ?

Qu'est-ce que le rêve ethniste ? C'est la possibilité de cohabitation de toutes les formes culturelles. Une guerre mondiale, c'est-à-dire l'élimination de millions de vies humaines, serait une catastrophe. Ceci dit, il est impossible de prévoir ce qui se passerait exactement; personnellement, je ne crois pas que les effets d'une guerre amoindriraient les chances d'un monde pluri-culturel. Mieux vaut encore la guerre culturelle.

ARMES CULTURELLES

Mais quelles sont les armes de cette guerre culturelle ?

Les armes sont, entre autres, l'éducation, l'économie, la langue et les media qui véhiculent la langue (: la radio, la télévision, la chanson, le livre, la presse). Il est inutile de souligner l'importance que vont prendre les satellites : les Etats-Unis, l'URSS ou encore toute nation capable de lancer des satellites, pourra arroser à volonté des territoires avec sa culture.

LANGUE ET DECOLONISATION

Des peuples anciennement colonisés conservent souvent des liens culturels et économiques étroits avec leurs anciens colonisateurs. Et cela, même après des guerres de libération particulièrement meurtrières. Comment expliquez-vous cela ?

La plupart des politiques coloniales ont été conduites d'une manière empirique, l'impérialisme misant uniquement et instinctivement sur la force armée. Les colonisateurs ont sous-estimé l'importance de leur langue comme instrument de domination des peuples colonisés, ne l'utilisant qu'instinctivement dans le cadre de leur ethnocentrisme; ils réalisent souvent, à leur grand étonnement, qu'une fois armées les parties, c'est grâce à la dynamique du langage qu'ils peuvent perpétuer leur présence, sous une forme néo-coloniale.

CULTURES OUVERTES

L'histoire nous montre qu'il y a des cultures plus ou moins ouvertes sur l'étranger, et que les plus ouvertes sont souvent plus fortes, plus florissantes que les autres. Cela ne va-t-il pas à l'encontre des thèses ethnistes ?

Les cultures dites ouvertes sur les autres se sont épanouies, dans la mesure où elles furent toujours assez fortes pour ne pas craindre la perte de leur identité. Ce qui ne concerne en aucune façon les ethnies en état d'acculturation, et pour qui une politique d'ouverture serait probablement suicidaire. Ceci dit, l'ethnisme n'est pas isolationniste : il opte le plus souvent possible pour les principes fédéralistes et le plurilinguisme (au minimum le bilinguisme); chaque ethnie restant maîtresse de ses choix dans le respect international des droits des autres, elle doit pouvoir développer les échanges économiques et culturels avec les autres ethnies. D'ailleurs, lorsqu'une ethnie se débarrasse d'une oppression culturelle, après un bref délai d'adaptation, elle entreprend naturellement une politique d'échange et d'ouverture.

INDEPENDANCE TOTALE ?

Faut-il qu'une ethnie acquière une indépendance politique, économique et culturelle totale pour être maîtresse de son destin ?

Il n'y a pas, dans le monde d'aujourd'hui, d'indépendance à 100%, politiquement, économiquement et sur le plan culturel. Toute ethnie est tributaire des autres. L'ethnisme suppose seulement que ces liens soient les moins coercitifs possible.

PEUPLES PRIMITIFS

Mais il y a des peuples qui sont en régression, régression numérique de leur population, régression technologique dans la mesure où ils n'ont pas su s'adapter aux techniques occidentales de production; de plus, lorsque des peuples appartiennent à ce qu'on appelle les ethnies primitives (Bochimans, Pygmées, etc) il est difficile d'imaginer leur accession à l'indépendance, territoriale ou politique, avec tout ce que cela suppose : un gouvernement, une représentation internationale, à l'ONU, etc.

Vous employez deux termes qui témoignent d'un jugement subjectif. Tout peuple a droit à son indépendance, quelle que soit sa position par rapport à la technologie contemporaine ou par rapport à tel ou tel critère subjectif. Je crois à la possibilité et à la nécessité d'Etats Pygmés, Bochimans ou de n'importe quelle ethnie Amérindienne. Etats leur accordant une autonomie réelle en ce qui concerne leurs choix fondamentaux.

A ce propos, je voudrais poser une question concernant le cas spécifique des ethnies dites primitives : quelle attitude adopter sachant que, si nous leur venons en aide, ce sera avec notre technologie et que culturellement le désastre sera inéluctable; si, par contre, nous les enfermons dans des réserves, l'isolement sera tel qu'une mort lente sera inexorable également ?

Ce que l'ethnisme propose, c'est d'œuvrer avec la plus grande prudence, en intervenant le moins possible. Eliminer tout contact coercitif. Se contenter d'interventions ponctuelles (liées à la lutte contre les épidémies et désastres naturels) l'identité et la volonté des peuples secourus devant être respectées au maximum.

RACISME

Revenons à la théorie : cette apologie de la différence que véhicule l'ethnisme ne dissimule-t-elle pas la renaissance, la reconnaissance d'un certain racisme ?

Pour éviter tout malentendu, il faut prendre soin de ne pas confondre les termes "races" et "ethnies" qui ne recouvrent pas la même réalité : dans un cas comme dans l'autre, on procède à une classification à partir du constat de différences : ceux qui étudient les races prennent en compte la morphologie, la couleur de la peau, etc, ceux qui étudient les ethnies s'attachent aux langues, aux modes de vie, à la culture des peuples. Tant que l'on reste sur le terrain de l'observation, en dehors de tout jugement de valeurs, de l'établissement de toute hiérarchie, on participe au progrès des connaissances; mais -et c'est le cas des racistes- si l'on cherche à prouver "scientifiquement" la pureté ou la supériorité d'une ethnie sur d'autres, non seulement on déforme la réalité mais on nie le droit à la différence et on enclenche un processus de haine et de violence. Personne n'ignore les ravages causés par ce type d'idéologie, surtout depuis la seconde guerre mondiale mais le racisme revêt différentes formes : il peut commencer par la volonté d'imposer à tous des valeurs, des critères identiques par la discrimination culturelle. Les mesures prises par Jules Ferry pour extirper les langues régionales du parler en France, peuvent être caractérisées comme racistes. C'est d'ailleurs souvent sous un discours universaliste que se dissimulent des thèses et des comportements racistes. En fait, racisme et xénophobie sont des idéologies au service de l'impérialisme, du totalitarisme et de l'oppression; en s'attaquant à leurs causes profondes et réelles, l'ethnisme nous débarrassera du racisme et de la xénophobie.

HEREDITE DES PEUPLES

Pouvez-vous nous préciser la position des ethnies face à certaines théories génétiques qui soulignent l'hérédite des peuples ?

La théorie ethniste ne refuse pas de prendre en considération les découvertes concernant l'hérédité des peuples mais elle adopte envers elles une attitude prudente, attendant que toutes les données soient vérifiées scientifiquement, et en évitant la tentation de les détourner pour valider des arguments subfectifs ethnocentristes tels que ceux qui visent à justifier la supériorité d'une peuple sur un autre.
Ceci dit : Nier l'hérédité des individus et des peuples est ridicule. L'hérédité est partout. "Vous ressemblez à votre mère", ou "vous êtes coléreux comme votre père", ce n'est pas de la mystique, c'est de la réalité. Lorsque nous réunissons 5.000 individus et que nous faisons des constatations, de similitudes ou de différences, cela s'appelle l'étude de l'hérédité des peuples : il faut prendre le point de vue scientifique le plus rigoureux. C'est-à-dire chercher à en discerner les limites. Savoir ce qui est vraiment acquis à travers l'environnement et ce qui ne l'est pas.

Ceci dit, souvenons-nous que, de la poule ou de l'oeuf, aucun élément ne précède l'autre. L'environnement hostile crée la mutation qui crée le gène, l'acquis et l'inné, fonctionnant tous deux à la recherche d'un optimum de survie et de bien-être.

Comment vous situez-vous dans le débat qui oppose les partisans de l'environnement (acquis) à ce de l'hérédité (inné) quant à la définition de ce qui constitue l'héritage des peuples ?

Je crois qu'il y a peu d'égalitaristes, dans le sens que tous les hommes seraient identiques, que ce soit chez les ethnologues, ou parmi les autonomistes. Les ethnistes, en assumant la notion de différence ont coupé l'herbe sous le pied des racistes; différents oui, mais égaux par leur droit à la différence.

Les ethnies ont-elles développé des cultures différentes parce qu'elles sont issues de stocks génétiques différents, ou parce qu'elles sont confrontées à des environnements différents ?

C'est toujours l'environnement géographique qui est à l'origine des différences entre les peuples; sélection naturelle, mutation génétique ou circonstances climatiques, etc. du moment. C'est toujours l'instinct de survie qui est à l'origine de tout changement, toute adaptation.

Ne croyez-vous pas que le discours génétique soit, dès le départ, douteux : si la génétique prouvait l'existence d'une gène de l'ordre ou de l'assiduité au travail, une telle information renforcerait les théories fascistes et légitimerait les impérialismes. Le colon aurait alors beau jeu de dire : je sais travailler, eux ne savent pas, il est donc naturel qu'ils ne soient jamais les patrons, etc.

Les gènes ne transmettent que des informations à même d'assurer la survie de l'espèce. Ce gène de l'assiduité que vous supposez ne serait apparu que si l'environnement en avait créé la nécessité. Il est donc impensable d'envisager en termes de supériorité et d'infériorité.

GENETIQUE

L'ethnisme, qui souligne les différences entre les ethnies, n'aurait-il pas alors tendance à chercher des preuves de ces différences y compris dans la génétique ? Cela ne nous entraîne-t-il pas alors vers les théories racistes ?

C'est la différence et non pas une quelconque supériorité que l'ethnisme souligne. Au contraire, si ces différences existent, les ignorer faciliterait encore plus des situations d'oppression. Car si l'on met tout le monde dans un même moule, tous ceux qui ne s'y conforment pas seront lésés et celui qui met dans le moule est toujours le plus fort, c'est-à-dire l'impérialiste.

TRANSFORMATIONS GENETIQUES

Quelle est la position de l'ethnisme par rapport à ceux qui préconiseraient des expériences génétiques en vue d'une transformation de l'homme ?

Ce n'est pas une question d'actualité mais je ne sous-estime pas ce sujet qui peut poser de sérieux problèmes dans l'avenir. Ma réponse est que, dans la mesure où un peuple, maître de son destin décide démocratiquement, par voie de referendum, de recourir pour lui-même à des transformations génétiques (améliorer l'adaptation au froid, doubler les capacités de la mémoire, etc.) de sa population (si cela est scientifiquement possible) je n'y vois pas d'objection. Par contre, s'il s'agit d'imposer à un autre peuple des transformations génétiques sans son accord, cela est condamnable.

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