BEN SUR BEN - je me demande si en vrai ce texte n'est pas en double - 2002-11-03

BEN SUR BEN

La vérité est que je suis comme Saint Thomas. Je ne crois à une exposition que quand elle est au mur. Et à un livre que si je le vois en vitrine.

La vérité est que j'écris sur mes caleçons que je n'ai rien à cacher alors pourquoi voulez-vous que dans une exposition je ne fasse pas la même chose ?

La vérité est que depuis Duchamp, l'art n'étonne plus et que la prochaine rupture en art ne peut être qu'ethnique et politique.

La vérité est que je suis parano donc persuadé que les médias, la CSA et les services secrets me surveillent et que ce catalogue et cette expo ne sont là que pour m'occuper, pour que je me tienne tranquille.

La vérité est que certains me réduisent à un fabricant de T. Shirts. Je suis pas contre dans la mesure où j'arrive avec eux à communiquer. (Ceci dit je n'aime pas la guimauve).

La vérité est que je ne me suis pas intéressé par la cuisine, ni par la marche à pied.

La vérité est que les communiqués de presse m'angoissent, le pouvoir de la presse me fait peur, la presse est capable d'informer mais aussi de manipuler, de désinformer, de tuer.

La vérité est que j'aimerais qu'il y ait quelque part dans l'expo un débat et pas un discours unilatéral ou un nombril qui se regarde.

La vérité est que pour le vernissage j'aurais aimé qu'on oublie les tableaux aux murs pour faire une grande fête avec musique et ballettis et moi je chanterai un rap en nissart.

La vérité est qu'une expo c'est dur et comme me disait ma maman Occitano-Irlandaise "from the cup to the lip there is many a slip "

La vérité est que dans la mesure où je ne m'arrête jamais et que je touche à tout, il y aurait eu de quoi faire plusieurs livres, Ben Fluxus,300 pages, Ben et les Gestes 150 pages, un livre sur le cinéma, 100 pages, un sur la politique,500 pages. Ben qui s'intéresse aux ethnies c'est 2000 pages, Ben poète 500 pages, Ben attaque 1000 pages, un livre sur le sexe, etc etc.

La vérité est que je fais une boulimie du classement et une boulimie de tout mettre. Qu'est-ce que j'aurais aimé être un conceptuel constipé qui se satisferait de 1 ou 2 idées répétées cent fois !

La vérité est que depuis toujours j'ai l'habitude, à chaque fois que je fais une expo ou que j'écris un texte, de mettre le plus possible de choses à plat, de crever les abcès, de tout dire. C'est ce que je vais faire ici comme ça vous serez tous au courant.

La vérité est que dans une rétrospective, on est obligé de fouiller dans le passé, sortir les vieilles photos etc et alors on s'aperçoit qu'on n'avait rien à dire ou que l'on a toujours dit la même chose et qu'il est temps de s'arrêter.

La vérité est que je viens de relire tout ce que j'ai écrit. Tous ces vieux textes me portent sur les nerfs. L'ensemble suinte l'ego comme dans un égout.

La vérité est que je n'aurais pas aimé faire une expo sans nouveau et le seul nouveau que j'entrevois c'est de chercher la vérité.

La vérité est que ce livre finira sur une étagère avec de la poussière sur la tranche.

La vérité est que pour éditer (imprimer) ce livre il a fallu abattre 10 arbres et que j'en ai honte.

La vérité est que par principe, j'aime le public, j'aime avoir du public, j'aime le divertir,
j'aime qu'il reste dans les salles,
j'aime lui en foutre plein la vue,
j'aime l'étonner,
j'aime surtout qu'il m'aime,
(cela dit, il n'est pas dit que je réussisse).


La vérité est que ce livre pèse 1kg 200 grammes. Si vous en achetez 3 et que vous les portez pour rentrer chez vous, ça vous aidera à faire de la musculation

La vérité est que j'ai voulu tout mettre dans ce livre et il n'y a pas assez de rien et trop de tout.

La vérité est que l'essentiel n'est ni dans l'expo, ni dans le livre, ni ici,
ni à côté, ni ailleurs.

La vérité est qu'il y aura une salle très rétrospective qui commence en 58 et finit en 66, contenant toute ma période des appropriations, mes premières écritures, la salle "moi Ben je signe".

La vérité est qu'il y aura une salle avec tout ce que je pense, mes contradictions, mes doutes, mes angoisses sur l'art etc.

La vérité est que dans l'expo il y aura le Ben poète, le Ben qui fait un film qui ne sort jamais, il y aura le Ben sex maniac qui regarde les femmes, etc., etc.
Cette salle, je la sens comme un foutoir.

La vérité est que c'est une rétrospective Tout Ben. Presque trop de Ben.
je pense trop à moi je parle trop de moi

La vérité est que répéter au début de chaque phrase "la vérité est que" est idiot et je m'en rends compte

La vérité est que vous voulez de l'art
je veux de la vérité, toute la vérité.

La vérité est que j'ai demandé à ce que pour le chapitre Ben vu par les autres on évite les textes trop longs alors pourquoi est-ce que moi je continue ?

La vérité est que je suis né de mère Irlandaise et Occitane et de père suisse.

La vérité est que j'aurais aimé faire de cette expo celle qui dirait tout, contiendrait tout, ne mentirait pas.

La vérité est qu'il y a trop à lire dans ce catalogue
Personne n'aura le courage de tout lire
et même s'il lisait tout, avec la vache folle il oublierait vite tout.

La vérité est que je préfère la vie à l'art
Non ! réflexion faite, souvent la vie m'ennuie aussi.

La vérité est que ma recherche de la vérité n'est qu'une comédie.

La vérité est que je m'en fous de la vérité, je veux être aimé
et je sens que c'est mal parti :
personne n'aime personne.

La vérité est que l'une de mes phrases favorites c'est "Sieù ben aqui" qui veut dire en niçois : je suis bien ici. Parfois j'ai l'impression que les niçois m'ont adopté non pas à cause de l'art mais à cause du magasin où ils sont passés nombreux et je les remercie.

La vérité est que j'aimerais faire un art qui ne soit pas de l'art mais c'est impossible.

La vérité est que j'aurais voulu être simple, clair et honnête mais c'est tellement compliqué !

La vérité est que tout cela ne peut que mal finir.

La vérité est que si un jour je me trouvais en situation de sauver l'espèce humaine et que, pour ce faire, je n'ai qu'à tendre la main je ne la sauverai pas.

La vérité est que je ne comprends pas ce qui se passe chez Flammarion, il y a comme un mystère paranoïaque qui plane dans les couloirs.

La vérité est que la vérité est un bien grand mot ça fait un peu trop "je sais tout" il vaut mieux se taire.

La vérité est que je suis un maniaque
du classement : les clous avec les clous
les punaises avec les punaises,
les mégots avec les mégots,
les femmes avec les femmes,
chacun dans son tiroir.
D'ailleurs ce livre et cette expo ne sont que deux classements de plus.

La vérité est que j'ai peur de ne pas être moi-même ou plutôt de ne pas avoir le courage d'être moi-même.

La vérité est que dans cette rétrospective Tout Ben il y a trop de Ben

La vérité est que je suis un artiste polémiste. Ma défense de la culture Niçoise Occitane agace Paris. J'ai même écrit une fois que je refuserais toute rétrospective à Paris tant que la France n'aurait pas signé la charte des langues minoritaires.

La vérité est que ce qui gène certains dans la municipalité avec l'expo de Ben à Nice c'est que Ben est comme une pomme de terre chaude et qu'on ne sait pas comment le prendre.

La vérité est que j'écris que j'aimerais voir ma femme nue dans le lit avec un autre mais qu'en réalité je ne le supporterais pas.

La vérité est que j'ai toujours eu peur de manquer d'argent pour vivre et de devoir en emprunter.

La vérité est que je veux pouvoir ne pas me sentir une "vache à lait" qui sert à vendre les produits de marketing.

La vérité est que je prépare mon expo au Mamac de Nice. C'est une rétrospective mais tout est très confus dans ma tête. Flammarion est d'accord pour faire mon catalogue. Je sais ce que je veux mais je ne sais pas ce que je ne veux pas.

La vérité est que question argent : je n'aime pas les malentendus. Il y en a eu un par ma faute, quand j'ai mélangé dans ma tête travail/temps et frais de fabrication.

La vérité est que je ne suis pas un grand artiste mais un touche à tout et cette expo le prouvera.

La vérité est que : et si je n'avais plus rien à dire ? Et si cette expo n'était qu'un bric à brac d'idées hétéroclites sans fond ?
Et si à force de me stresser mes diverticules s'enflammaient et qu'il faille m'opérer ?
Et si à force de me stresser, la vie devenant impossible, ma femme me quittait ?
Et si parce que l'expo est bonne ou mauvaise on parlait trop de moi et que je n'arrivais plus à assumer ?
Et si, parce que je ne sais pas dire non je n'arrivais plus à respirer ?
Et si les petits gauchistes m'attaquaient, parce qu'on attaque les gens en vue, d'avoir serré la main de Peyrat ?
Et si Peyrat m'invitait à dîner et que je disais non ? Vous ne vous rendez pas compte ce n'est pas si facile que ça une expo au Mamac.

La vérité est que je ne sais pas qui je suis. Certains trouvent que je suis incontournable, certains m'ignorent.
Certains, aux USA, me voient autrement que je suis. Certains, les archéologues, me rattachent à une histoire de l'art, celle des années 60.
Certains aimeraient me voir mort pour pouvoir broder sur moi.
Certains, quand je défends les peuples minoritaires, sont gênés, font semblant de croire que je n'existe pas.

BEN 2000



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