Les élections d'avril vont selon toute vraisemblance donner le pouvoir au Congrès National Africain (A.N.C.) qui le partagera toutefois avec les représentants de la minorité d'origine européenne. Les mécanismes institutionnels devraient fonctionner même si d'importantes minorités, blanches et noires, s'opposent à l'évolution programmée. Les changements dans la représentation politique des diverses communautés seront plus cruciaux que l'évolution prévisible des rapports socio-économiques ; et c'est bien au niveau de cette représentation que résideront les difficultés : la nature des pouvoirs dévolus aux neuf provinces face à l'État central ainsi que le découpage de celles-ci, vont être les problèmes majeurs que devra affronter le nouveau pouvoir de la majorité noire. Dans ce contexte, on peut malheureusement craindre des drames sanglants.
Répartition ethnique ; analyse et proposition ethniste
La solution fédérale.
La coexistence pacifique de ces populations diverses et variées est une gageure. Si l'unité du pays doit être maintenue, il y a lieu de lui donner une forme fédérale prononcée. Au besoin, il faut même envisager un découpage territorial, tenant expressément compte des réalités culturelles et tribales qu'il ne faut pas sous-estimer ; il serait dangereux d'écarter a priori l'éventualité de regroupements sur la base de ces apparentements. On a vu ailleurs à quoi toute impéritie en ce domaine pouvait conduire. L'A.N.C., chantre de l'unité à tout crin, est d'ailleurs bien mal armée pour affronter ces différences, même si elle peut s'enorgueillir d'une grande diversité dans son recrutement.
Questions et perspectives
Le démantèlement de l'apartheid est loin d'être terminé et ses conséquences politico-culturelles ne cesseront pas de peser encore longtemps sur l'avenir de ce pays. Les problèmes politiques essentiels semblent devoir s'articuler autour des questions suivantes:
Propositions
La situation territoriale ne semble pas pouvoir s'écarter exagérément du modèle fédéral déjà en vigueur (4 États) avec partage des lieux de pouvoir. Mais en combien de morceaux constituants pourrait être découpée l'Afrique du Sud nouvelle ? Le découpage peut permettre à chaque population (ethnie ou sub-ethnie ou groupe minoritaire) de se sentir libre sur son territoire, mais doit éviter en même temps une trop grande dilution du pouvoir, qui serait nuisible à la dynamique économique et culturelle potentielle de cette région, au delà de la République d'Afrique du Sud. Les divisions internes devront être conçues de façon à prendre en compte dès maintenant la naturelle intégration du Lesotho et, du Ngwane, voire du Botswana. De plus, la dilution des pouvoirs, si elle a été encouragée par les Blancs, ne correspond absolument pas aux tendances politico-culturelles de ce peuple, ni chez les Noirs, ni chez les Blancs d'ailleurs.
La revalorisation du patrimoine khoîsanien et l'individualisation par conséquent, des Métis du Cap doit être encouragée, d'autant que le Sud namibien pourrait un jour s'aggréger a la République d'Afrique du Sud. Le succès du fédéralisme sud-africain aurait des conséquences bénéfiques pour l'Afrique noire tout entière, tant sur le plan de la restructuration politique que sur celui du développement économique et culturel. C'est une partie capitale qui se joue là-bas.
Jean-Louis Veyrac, 1994