D'où vient cette tension ?
Le Sri Lanka, État indépendant depuis 1948 compte aujourd'hui environ quinze millions d'habitants dont onze millions de Cingalais, ethnie de race blanche de la famille indoeuropéenne et du groupe indien, et les Tamouls (25 % de la population) de race noire et du groupe dravidien. Historiquement on distingue entre les Tamouls "ceylanais" qui occupent le Nord et le
littoral oriental de l'île depuis le 14e siècle (il y eut même un royaume tamoul indépendant dans la péninsule de Jaffna auquel la conquête portugaise mit fin en 1618) et les Tamouls dits "indiens" venus de l'État de Madras entre 1911 et 1946 pour travailler dans les plantations de café et de thé. Les Tamouls venus du continent et les autochtones parlent la même langue et pratiquent la même religion à l'exception de 7 % d'entre eux qui sont musulmans. S'ils n'appartiennent pas à la même ethnie que les Cingalais, ils s'en distinguent également par la religion car ces derniers sont bouddhistes. Ce qui déchire les Tamouls, c'est le fait que certains Tamouls "ceylanais'' soient partisans d'un État séparé alors que la majorité des Tamouls ''indiens'' noyés dans le centre et le sud de l'île dans une masse cingalaise sont partisans de la conciliation avec les Cingalais et de l'intégration nationale. Chez les Tamouls du Nord la revendication d'indépendance est ancienne puisque dès l'accession du Sri Lanka à la souveraineté se crée le premier parti nationaliste tamoul, le Parti fédéral Tuwral avec le programme suivant toujours d'actualité:
Si dans la Constitution de 1978 la langue officielle demeure le cingalais, le tamoul se voit accorder le statut de langue nationale et langue de l'administration dans les provinces du Nord et de l'Est, les lois étant promulguées dans les deux langues. Cette ouverture émane de la nouvelle équipe cingalaise au pouvoir dirigée par le président M. Jayawardene. Or malgré cette ouverture, la nomination de personnalités tamoules au gouvernement et une décentralisation assez poussée, c'est la fièvre durant l'été 81 et les attentats reprennent dans le Nord même si le FULT premier parti d'opposition est pour l'indépendance par la voie légale.
Le président, partisan de la conciliation, doit tenir compte des durs de son parti et de son gouvernement partisans de l'impérialisme cingalais tout comme le clergé bouddhiste qui va jusqu'à demander l'occupation du Nord tamoul par l'armée et l'accélération des colonies de peuplement cingalaises. Pour l'instant toutefois, malgré quelques bavures, c'est la conciliation qui prévaut et les Conseils de district en territoire tamoul que le FULT tâche de faire fonctionner tout en en dénonçant les insuffisances pourraient bien n'être qu'une étape vers l'autonomie des provinces tamoules peut-être après les législatives et les présidentielles de décembre 1983.
Jean-Pierre Hilaire, 1982