Le FIS rejetant ces trois perspectives, ne saurait être considéré comme un interlocuteur valable D'autant qu'il est inexistant dans la zone où le berbérisme est majoritairement fort (Kabylie).
Le projet régionaliste du FFS correspondait assez à la réalité socio-politique algérienne mais le poids du FIS, clandestin ou non, l'a rendu caduc.
La question des Touaregs
Si la situation devait s'aggraver, on pourrait envisager des pressions internationales pour régler au moins le problème targui au Sahara, qui est dramatique et concerne plusieurs états. Une solution d'autonomie saharienne doit être mise en oeuvre. Elle obligerait les quatre états se partageant le domaine targui, à accorder à leurs ressortissants touaregs l'autonomie personnelle et collective. Celle-ci leur permettrait d'assumer au mieux leur identité en définissant par eux-mêmes les voies de leur développement économique et culturel, dans un cadre de libre association et de libre circulation transfrontalières. Leur centre pourrait être fixé à Tamanrasset (Algérie). Cette population jouirait ainsi de la reconnaissance internationale, sans constitution étatique. La cogestion du territoire et des ressources devrait être fixée par contrat entre les Touareg et leurs états tuteurs ; il faudrait dégager d'importantes ressources afin de permettre l'inévitable sédentarisation sur le territoire targui et le rapatriement des Touaregs établis plus au sud. Réalisé sur de telles bases, cet accord permettrait d'éliminer une source de tensions internes et internationales (pour au moins quatre états).
On peut par ailleurs envisager l'autonomie, voire l'indépendance pour la Kabylie si la situation l'exigeait (prise du pouvoir par le FIS), mais elle reste valable en toute situation, quoique contraire aux intérêts kabyles immédiats et à plus long terme.
Quelle issue?
A l'heure actuelle, les perspectives d'un retour à la démocratie balbutiante de 1991 sont nulles. L'affrontement se situe sur le plan militaire entre l'Armée de Libération Nationale et le Groupe Islamiste Armé. La bureaucratie issue de l'indépendance est complètement disqualifiée. Le Front Islamique du Salut s'est divisé sur la nature des rapports à instaurer avec l'Etat. Les partis démocratiques sont trop faibles pour envisager d'exercer le pouvoir à court ou moyen terme. Les pays environnants ou influents ne sont pas en mesure d'indiquer une autre alternative. Le seul choix s'effectuant apparemment entre deux dictatures, la situation est totalement bloquée.
Il semble cependant, qu'il existe une issue. Elle réside dans une politique de rupture avec le régime précédent. Il faut pour cela que l'armée garante de l'arabité, de l'unité et des frontières du pays s'associe au pouvoir avec la seule force sociale capable de redresser économiquement le pays : l'ensemble des forces vives kabyles. C'est à elles que doit être confiée la conduite de l'économie. Marginalisées après l'indépendance, elles doivent pouvoir exprimer aujourd'hui leurs immenses potentialités
L'avantage est qu'elles seront en mesure de mobiliser derrière elles, les éléments arabes de progrès à la recherche d'une nouvelle voie vers la laïcité et la démocratie. Mais en contrepartie, il faudra accorder l'autonomie régionale à la Kabylie. Le seul choix se situe donc entre une guerre civile prolongée ou une révolution dans les mentalités et la psychologie politique des Algériens.
Jean Louis Veyrac 1994
J.P. Hilaire LUGAR N° 22 (octobre 1984)