AVIS IMPORTANT
JE VIENS DE CREER LA RUBRIQUE "L'ECOLE DE NICE" ET J'AI MEME PRIS
UN NOM DE DOMAINE "ECOLE DE NICE.COM" MAIS CTTE RUBRIQUE SERA EN CONSTRUCTION PENDANT AU MOINS 15 JOURS. DONC RE-VISITEZ LÀ UN PEU PLUS TARD.
BEN MARS 2006
TEXTE EXTRAIT D'A PROPOS DE NICE JANVIER 1977
LES MOMENTS DE LA CREATION A NICE
1947 Un jour, sur la plage à Nice, Klein, Arman et Claude Pascal décident de se partager le monde. Klein choisit le ciel avec son infini, il signa son nom sur l'autre côté du ciel et ainsi commença son aventure monochrome.
Nice aux yeux de putain cannoise se culotte devant les yeux ébahis de la Corse En 1947, face à cette mer imbécile où se consument les vieillards de la France et de l'art, nous avions la vingtaine, Yves Klein, Arman et moi. La Promenade des Anglais Nous portions des chemises barbouillées de pieds et de mains nues et nous nous nourrissions de l'or et du fer contenus dans l'air. Le besoin du temple nous fit trouver la cave. Les murs furent recouverts de funèbres, de blasphèmes et de l'emblême... pieds et mains gluants de peinture et un mur monochrome et bleu. Le mirage, c'était notre volonté tendue comme une corde en travers de la route où butaient les voitures paralysées malgré l'essence. Jeûnes... abstinences... goût de l'entreprise démesurée... contemplations de l'univers bleu. Yves Klein a raison lorsqu'il dit que notre oeuvre à peine imaginée était déjà finie. L'idée nous obsédait. La nature était partagée, disposée, à chacun son règne. Sans qu'un geste ne fut fait. A chacun sa mesure, l'adulte n'était pas né. Un trait, un grand trait, jusqu'au bout de la mer barrant l'azur établissant l'amitié comme ce voyage extraordinaire que fit Yves Klein jusqu'à l'envers de ce ciel pour le signer et se l'approprier puisque la matière appartient au premier qui la redécouvre. Le trésor enfoui révélé à grandes pelletées adolescentes, éblouissant une acné de l'esprit servant et pour toujours de base à l'envol. C'est de là que le monochrome fit éclater ses fusées dans le domaine du sensible, illuminant l'espace qui paraissait pourtant bouché à tout jamais par !'Hamlétisme, le Raphaëlisme et les conciergeries de J.-S. Bach. (Claude Pascal).
Mille neuf cent quarante-sept : trois jeunes hommes sur un triangle où leurs inquiétudes et leurs recherches étaient liées : Yves, Claude et moi. Claude épuisait le temps à écouter hurler les étoiles, presque à côté, je plongeais jusqu'à la patrie sélénite ; Yves refusait la nuit pour signer l'azur et haïr les trous faits par les oiseaux ; c'était l'âge où tous les adolescents veulent posséder l'univers, nous nous l'étions partagé, couronnes en têtes et responsabilités reçues. (Arman).
A l'époque, Yves Klein connaissait les lettristes, parce que sa mère faisait, tous les mardis, des réunions, et, c'est là qu'il a connu ce que les lettristes appelaient la "glosolanie ».
Yves nous en a parlé et il nous a dit : Moi je veux aller plus loin. Nous étions sur la plage
avec Eliane, enceinte d'Anne et Claude Pascal. Yves a fait ce qu'il a appelé : « La Glosolanie monochrome », nous nous sommes mis à faire : ah I ah I ah I (Arman).
1951
Yves Klein se balade avec une chemise sur laquelle il y a des empreintes de pieds et de mains. A cette époque-là, il faisait des ronds bleus dans des carnets et il disait que c'était la condition future de la peinture. Je lui ai dit que c'était une plaisanterie et il m'a répondu: non (sa mère faisait de la peinture abstraite et il avait une réaction anti-école de Paris, anti-familiale). (Arman).
1952
Jacques Lepage tient le Club des jeunes, au sous-sol du café le Biarritz, place Masséna. Le Club des jeunes était très important à Nice ; je me souviens, en 1956, j'y ai fait une conférence où tout était faux, tout était bidon. J'ai parlé des rapports ethnologiques dans
l'histoire du jazz. J'inventais tout et les gens prenaient des notes. (Arman).
1955
En été, tous les soirs, sur la Promenade des Anglais, sous la Pergola devant le Palais de la Méditerranée, François Fontan, créateur de l'ethnisme, venait discuter des problèmes ethniques, linguistiques et culturels. C'était le rendez-vous des jeunes politisés.
Arman expose au PIazza des tableaux abstraits. Un critique de Nice-Matin, Dagron, qui le détestait, parla de l'exposition. A la fin de l'exposition, Arman alla le remercier. - Mais je ne vous ai pas cité, dit le critique étonné. - Si, répondit Arman, dans les trois de Staël que vous avez encensés, il y en avait deux de moi. (Lepage).
Arman crée les cachets (empreintes de tampons de caoutchouc de différentes couleurs).
été
Yves Klein est allé sur la Promenade des Anglais. Il s'est installé avec un chevalet, juste à la fin d'une pergola, du côté Sporting, et il a fait un monochrome bleu en regardant le ciel. Il revenait du Japon. (Arman).
A peu près à la même époque, je suis allé à la sortie de la messe, un dimanche, avec un chevalet et des tampons et j'ai tamponné une toile. Tout le monde ce demandait ce que je faisais.
Chaque fois qu'Yves revenait de Paris, au mois de mai et en été, nous faisions des actions comme celles qui ont eu lieu devant l'Eglise Notre-Dame et sur la Promenade des Anglais. Il faut dire que l'influence d'Yves a été déterminante pour moi. A l'époque, je faisais de la peinture et mes cachets et il m'avait dit : - Les cachets, c'est un peu passéiste, ça fait Dada allemand, mais c'est mieux que la peinture. Tu peins bien mais des peintres comme toi, il y en a des milliers. Tant que tu n'auras pas trouvé ton langage à toi, ça n'ira pas. Il était au courant de tout ce qui se passait en art. Il ne voulait pas être peintre ; avant son départ pour le Japon, il voulait être le plus grand maître Zen du Judo. Devenu à son retour, le plus grand judoka non japonais, il désira alors devenir le plus grand peintre. C'était un type magnétique, toujours en train de faire quelque chose. (Arman).
Barney Willen, Bibi Robert et Franzino créent un jazz niçois au Hot-club, rue Masséna.
1956
Ben et Malaval s'associent pour ouvrir une boîte de nuit : « Le Grac », qu'ils décorent ensemble : Malaval accroche des toiles surréalistes et Ben fait des écritures de couleur au bar.
Ben drague (ou se fait draguer) sur la Promenade des Anglais et lie ainsi connaissance avec Eliane Radigue. Elle l'amène chez elle, où il rencontre pour la première fois Arman et Yves Klein.
1957
De 1957 à 1958, dans la rue de Longchamp, la Galerie Longchamp, aujourd'hui fermée, expose Gilli, Raysse, Chubac qui font, à l'époque, des toiles abstraites, tendance Ecole de Paris, De Staël. C'est là que j'ai connu Matarosso. (Chubac).
1958
Rotraut arrive à Nice (c'est la soeur d'Uecker). Elle était engagée comme fille au pair pour garder les enfants d'Arman et d'Eliane. Elle crée, avenue de la Californie, dans l'atelier d'Arman, ses premières empreintes et reliefs. Rotraut réalise sa première exposition au magasin de Ben. Elle peint le sol du magasin, un peu à la manière de Pollock.
pâques
Eliane Radigue donne un concert de musique concrète, aux Rencontres de Coaraze.
Octobre
Ouverture du magasin de Ben, 32, rue Tondutti de l'Escarène et réalisation de la première exposition : « Scorbut», avec Raysse, Chubac, Gilli et Ben. Entre 1958 et 1972, le magasin s'est appelé successivement, le Laboratoire 32, puis la Galerie Ben Doute de Tout. Il a montré tout ce qu'il y avait de nouveau en Art à Nice et dans la région. J'avais pour principe très simple d'exposer tout ce qui me choquait, tout ce qui me paraissait contenir de la nouveauté. (Ben).
Malaval vit dans les Basses-Alpes (jusqu'en 1960). Il fait des peintures sur toile représentant le plus souvent un détail de paysage. Il s'intéresse aux vers à soie. De
1958 à 1960, Arman crée ses Allures d'Objets. Dans les Allures, il y avait l'idée de la trace, de la marque, de l'instantané, du déroulement plus que de l'empreinte. (Arman).
1959
Paul-Armand Gette vit à l'époque à Nice, rue Scudéri. Il crée ses premières cristallisations verbales. Avec Gette, nous sommes allés au Cinéma Rialto pour l'ouverture de ce cinéma. Nous avions apporté un pique-nique complet et nous l'avons mangé au cinéma. Je me souviens également qu'une fois, Gette a fait du patin à roulettes dans le Musée Chéret. (Le Musée Chéret est un peu comme le Louvre, silencieux et plein de vieilles toiles). (Arman). Arman prend conscience de l'objet et crée ses premières Poubelles, Accumulations et Colères. A un moment donné, quand je me suis trouvé avec des objets que j'employais pour les Allures, m'est venue cette idée : J'emploie les objets comme médium, pourquoi ne pas employer les objets eux-mêmes? (Arman, entretien avec Alain Jouffroy, l'OEil, juin 1965).
novembre
François Fontan fréquente le Magasin de Ben et y fonde avec ses amis le parti nationaliste
occitan. Il y écrit son livre sur l'ethnisme, qui deviendra la clef de voûte théorique pour tous
ceux qui partent du critère linguistique comme départ d'une conscience nationale. Il
marquera par ses discussions, d'une manière indélébile, la prise de conscience de
l'importance de la langue pour la culture.
Ben crée ses premières écritures, boulevard François-Grosso. C'est aussi à cette époque-là
qu'il écrit sur les murs.
1960
Un jour, j'étais avec Restany et j'ai signé tous les barils descendus d'un cargo dans le
port de Nice. C'était ma première accumulation monumentale. C'était des barils de vin. Bien
avant la rue Visconti de Christo, mais moi ce n'était pas le barrage qui m'intéressait, c'était
le tas. (Arman).
Ben écrit et tire à la ronéo son manifeste sur le Nouveau qu'il défendra au Club des jeunes
dans sa conférence sur
« Tout et Rien ». Ce jour-là, Arman lui achète sa chemise aux
enchères à 19,30 F en tant qu'ouvre d'art. Ben est mécontent car elle lui avait coûté plus
cher. C'était le 12 Novembre. Ce jour-là également, on lui vole une merde qui était dans une
boîte de verre avec des trous au-dessus.
Claude Rivière, écrit un article dans Combat (du 15 août), dans lequel elle parle de l'Ecole de Nice.
Elle cite, entre autres, Arman, Martial Raysse Klein, Sacha Sosnovski (Sono), Jean-Pierre Mirouze, Dubuflet et Chave.
Ben signe Dieu. Très jaloux d'Yves Klein et d'Arman, j'allais, un jour, au magasin de meubles
du père d'Arman et très excité, je dis à Yves : - Tu dis que tu es le plus fort, tu t'es approprié
les éléments les plus purs, les extrêmes, et pourtant, je suis plus fort que toi, car tu vois, si
Dieu est partout, il est aussi dans cette balle de ping-pong et, en signant la balle, j'ai signé
Dieu car il y est contenu. Et c'est Dieu qui a fait l'univers. (Ben).
Rencontre historique à
Coaraze, de Robert Laffont, Giordan et François Fontan (les trois penseurs de l'ethnie
occitane).
Chubac crée et réalise ses sculptures modifiables de couleurs vives. Elles contiennent un
élément ludique. Elles sont faites, au début, avec du bois peint. Par la suite, Chubac
incorpore aussi du plastique.
Bernard Venet faisait son service militaire. Un jour, il vint voir Ben,
lors d'une permission, à son magasin et lui dit : Bernar venet - Tu sais Ben, je suis le
peintre le plus rapide du monde, est-ce nouveau?
- Oui mais comment fais-tu? - Je prends cinq toiles, je les mets par terre les unes à côté
des autres, je prends mon pinceau, je trempe mon pinceau dans la peinture et j'éclabousse
d'un seul geste de bras, les cinq tableaux en un dixième de seconde, ce qui fait deux centièmes
de seconde pour chacun, il n'y a pas plus rapide que moi !
Martial Raysse signe les Prisunics de Nice et les étalages de cosmétiques. Ce qui l'intéresse,
c'est la profusion colorée de l'article de série, l'afflux quantitatif des étalages, la marée de
produits neufs dans les grands magasins. - Je désirais, dira-t-il plus tard, que mes oeuvres
portent en elles la sereine évidence d'un réfrigérateur de série, neuves, aseptisées,
inaltérables.
(Pierre Restany, Galerie Nationale de Prague, oct-nov.1969).
1961
En juin, Jacques Lepage, rendant compte de l'exposition de papiers froissés de Malaval,
chez Chave, et de l'exposition de Calcinations de Gette, chez Cavallero, parle pour
la première fois, dans les Lettres Françaises, d'une « Ecole de Nice », à l'instigation de
Martial Raysse.
Arman crée ses « Coupes » et ses portraits robot d'artistes.
Arman et Raysse exposent à la Biennale de Paris. Raysse déclare à un journaliste, à propos de
Nice :
Mis à part, trois ou quatre peintres d'avant-garde, dont l'activité est directement
tournée vers l'extérieur, Nice est une ville qui dérive à 50 ans au large de l'actualité.
Evidemment, on y discerne l'inévitable cloaque de peintres d'anges qui, malheureusement,
trouvent encore le moyen de démarquer les plus mauvais « figuratifs » parisiens ... A
l'époque de la physique nucléaire, il faut bien se rattraper à quelque chose... J'ai d'ailleurs
pour ces cosmonautes beaucoup d'attendrissement, car, avec un bel optimisme, ils rejettent
toutes les perspectives de l'actualité internationale et retournent délibérément au folklore,
ce qui est très attachant, car je voudrais que Nice demeure une de ces villes privilégiées où la
« peinture à papa », mijotée et appréciée, se fixera en tradition, comme celle des pipes du
Jura et de la dentelle du Puy.
Malaval réalise ses premiers Aliments Blancs à Vence, chez Chave.
- Je faisais des tableaux de plus en plus épais, j'ai fini par faire des matières avec des papiers
collés sur la toile ; en l'espace de six mois, ces reliefs ont commencé à déborder du cadre et
là, ils sont devenus l'Aliment Blanc. Encore quelques mois après, du cadre d'où ils
débordaient, ils sont tombés sur les meubles et c'est devenu l'envahissement de l'Aliment
Blanc. Je n'en fais plus, puisqu'actuellement d'autres continuent. (Malaval).
Juin
Dans Sud, une revue niçoise tenue par Alex Lauro, Sacha Sosnovski écrit un article sur le
Nouveau Réalisme niçois. Il mentionne Arman, Klein, Raysse, Gilli, Venet, Gette et Ben.
13 juillet
Exposition importante des Nouveaux Réalistes à Nice, à la Galerie Muratore,
suivie d'une soirée avec actions, dans la villa de Larcade. Cette exposition fut parsemée
d'incidents on crut, à un moment donné, que les transporteurs avaient jeté les compressions
de César, ne les prenant pas pour des oeuvres d'art, mais pour de la ferraille.
Spoerri, en colère, s'en prit à Arman, à qui il reprochait que ses « Colères » d'objets
ressemblaient trop à ses propres tableaux pièges ; Arman, lui, se mit en colère pour
de bon et, en bon judoka, lui fit un soutemi qui l'envoya valdinguer par terre. Restany vola le
chapeau melon de Ben que Tinguely lui avait signé en tant que mobile.
1962
A partir de 1962 et jusqu'en 1970, la rue de l'Escarène devient un important lieu de
rendez-vous, de rencontres et de discussions. Ben se trouve presque toujours sur le trottoir,
sa caisse autour de la taille ; d'où il se tient, il surveille l'étalage de disques, à l'intérieur et
à l'extérieur du magasin. Petit à petit, tous les artistes prennent l'habitude de passer
discuter avec Ben. Parfois, ils attendent la fermeture pour aller boire un pot à l'Eden Bar.
Ben édite, avec la collaboration de Robert Erébo, la revue « Ben Dieu » avec le chapitre : «
Moi, Ben, je signe » qui est à peu près la reproduction de la lettre écrite à Daniel Spoerri en
1960.
C'est une liste de déclarations d'appropriations dans laquelle, entre autres, Ben signe les
Mystères, le Manque, le Déséquilibre, Dieu, les Poules, etc..., etc...
Bernar Venet rencontre par hasard Arman chez Ben.
A Antibes, exposition d'expression nouvelle. Une accumulation de brosses à dents d'Arman est
piétinée par un amateur de peinture, en signe de protestation.
Serge Oldenbourg était fauché. Il vend son âme à Ben pour 20 F.
Jean-Pierre Mirouze réalise un film sur l'Ecole de Nice. Une séquence est tournée dans
l'atelier de Raysse, rue Notre-Dame.
France Raysse crée des toiles avec des monstres fantastiques, c'est-à-dire un mélange de
scènes de science fiction et d'horreur, peintes à la manière pop.
1963
Entrée en scène de Jean-Claude Farhi. Il expose des reliefs à la Chapelle Jean Cocteau, de
Villefranche-sur-Mer.
- J'ai eu l'idée de mes reliefs en Algérie. J'étais en hélicoptère et
j'avais une vision planétaire des choses. (Farhi).
Ben, Bozzi, Erébo, Pontani, Dany Gobert et Annie fondent le Théâtre Total qu'ils iront
déclarer à la Préfecture.
Jean-Marie-Grégoire Le Clézio écrit à Nice « Le Procès-Verbal », qui obtient le Prix
Renaudot.
De 1963 à 1965, pièces de rue sur la Promenade des Anglais, avec Ben, Robert Bozzi,
Robert Erébo. On jouait surtout les compositions Fluxus de Brecht, Robert Watts et George
Maciunas, ainsi que des créations personnelles. On avait surtout peur de se faire ramasser
par les flics. Ben réalise son premier film de rue sur ces actions.
Juin
Bernar Venet, se fait photographier devant un tas de goudron. Il dira par la suite :
- Les tas de
goudron étaient des volumes pouvant être compris comme des sculptures qui avaient la
propriété de sortir de la tradition constructiviste européenne et de n'avoir pas de forme
spécifique.
Lettre d'Arman à Ben en réponse à un « J'aime et j'attaque » de Ben
- Alors quoi, je viens passer mes vacances à Nice, car il ne s'y passe rien et ce rien remue : les
petits mecs comme Ben et sa clique, les autres aussi, dont j'ai oublié le nom, s'agitent.
Laissez-nous profiter de cette gentille ville médiévale, pitié ! plus de scooters, plus de
transistors, plus de petites revues et journaux inutiles, plus de Ben, plus de photostoppeurs,
plus d'envieux, plus d'emmerdeurs, etc...
Juillet
George Maciunas, que Ben avait rencontré à Londres, arrive à Nice. A cette occasion, Ben
organise un Festival Mondial Fluxus et Art Total. Il dure une semaine durant laquelle
-
Maciunas dirige un concert Fluxus à l'hôtel Scribe. Dans le public, Biga, Oldenbourg, Le
Clézio.
- Ben traverse le port de Nice à la nage.
- Robert Bozzi signe les messes en tant que
spectacle Fluxus.
- George Maciunas mange un aliment mystère à la terrasse du Provence.
-
Ben signe Nice comme oeuvre d'art ouverte, avec vente de terre sur le Mont Boron.
Sur invitation de Jacques Lepage, Ben, Maciunas, Erébo et Bozzi vont un soir dans le village de
Coaraze pour donner un concert Fluxus.
- Robert Laffont, debout, entonne la Marseillaise pour
protester contre notre spectacle. (Ben).
Bernar Venet s'installe rue Pairolière, dans la vieille ville où il crée ses cartons peints (un
jour, il oublia en bas de chez lui tous ses cartons sur le trottoir, personne n'y toucha, pas
même les éboueurs).
- Lorsque j'entreprends ces pièces, mon ambition est de donner une
nouvelle dimension au collage et surtout de produire à partir de matériaux industriels, des
oeuvres froides, non artisanales. (Bernar Venet).
1964
De 1964 à 1968, aux Arts Décos de Nice, rue de l'Escarène se retrouvent Charvolen, Miguel,
Maccaferri, Valensi, Isnard et Dolla, avec Viallat comme professeur.
Ont été vidés et mis à la porte des Arts Décoratifs, parmi les élèves Dolla, Charvolen,
Maccaferri, Miguel et parmi les professeurs : Viallat.
Le grand videur, pour tous, c'était Pedro Oliver.
- Je me souviens,
j'ai été vidé trois jours, parce que j'avais collé des reproductions de Cézanne sur le mur de la
classe. (Maccaferri).
Alocco fréquente le Magasin de Ben. Il publiait à l'époque une revue de poésie intitulée :
Identités, avec Jean-Pierre Charles et Régine. Ben propose de lui payer une page
d'imprimerie pour faire ce qu'il veut dans : Identités. C'est le début d'une collaboration qui se
poursuivra sur trois numéros : l'un concernait le happening, George Brecht et John Cage,
l'autre, l'Ecole de Nice.
Janvier
Concert Fluxus à l'Artistique : « Réalité », avec Ben, Bozzi, Erébo, Pontani, Dany Gobert et
Annie. On gonfle une grande baudruche et on la donne au public qui joue avec. (C'est la
première fois que ça se fait en France).
Juin
Organisée par Lepage, une exposition de groupe avec notamment Venet qui exposait des
cartons, Gilli qui exposait des ex-votos, Malaval qui exposait des Aliments Blancs et Verdet,
des vitrifications.
C'était le deuxième festival des Arts Plastiques, à la Galerie A, à Nice.
Pagès vient habiter Nice, à Coaraze, plus tard il habitera à la Pointe-de-Contes.
Gilli crée les Ex-votos et les expose à la Galerie Matarasso.
Les sept jours de la recherche ou les sept jours de la création durant lesquels eurent lieu un
spectacle de poésie visuelle de Serge Oldenbourg (il casse un sac plein de bouteilles), une
balade en autobus jusqu'à l'Abbé Pierre, où nous nous rendîmes en procession avec des
flambeaux et où Erébo joua un concert de piano, un grand happening copié des spectacles que
j'avais vus à Judson Church.
- Bref, je voulais montrer aux niçois tout ce qui se faisait à New
York, style Yvonne Rainer, Carolee Schneman, etc... Comme ce n'était pas du tout dans mon
style, j'ai appelé une partie du spectacle « Vol d'idées ». (Ben).
1965
Jean Ferrero entre en scène ; c'est un autodidacte. Il a été reçu premier de son canton au
certificat d'études sans jamais avoir été à l'école. Il aime le nouveau pour le nouveau et le
choc pour le choc.
- L'Ecole de Nice m'a plu, parce que c'était une bande de farfelus, mais des
farfelus pas comme les autres, c'est grâce à des mecs comme çà, qu'il y a autre chose.
II fréquente surtout les Nouveaux Réalistes : Arman, César, Venet, Gilli, Ben, Farhi.
La Galerie Matarosso expose les Reliefs de Fahri.
Juin
Robert Erébo et Robert Bozzi donnent à l'Artistique un concert Fluxus et notamment, ils
jouent la pièce : « Bottez-leur le cul à cette bande de cons. » Dans cette pièce, pendant que
Robert Bozzi interprétait sur un piano un discours de Mao interrompu à chaque fin de phrase
par les mots (Vive, vive le président Mao », Robert Erébo lui, lavait les pieds de Ben assis
sur une chaise.
Août
Otto Hahn écrit un article sur l'Ecole de Nice, dans l'Express.
Cet article fait beaucoup parler de Nice et, par voie de conséquence, les actualités Gaumont
font un film sur Nice avec Arman, Ben, Raysse, Gilli, Venet. Fahri est présent dans le film,
c'est son entrée officielle dans l'Ecole de Nice.
Jacques Lepage écrit dans les Lettres Françaises, un article sur l'Ecole de Nice qui entraîne
son départ du journal.
Septembre
George Brecht et Donna Brewer, Robert Filliou et Marianne Staffeldt, qui à Rome, avaient pris
la décision de réaliser « la Cédille qui sourit », se donnent rendez-vous à Villefranche où,
par l'intermédiaire d'amis, ils trouvent un local, 12, rue de May, qu'ils occuperont jusqu'en
1968. George et Donna arrivent de Rome, Robert et Marianne de Paris. Serge Oldenbourg
peint au vinyl blanc « la Cédille » et Jo Pfeufer aide à l'installation.
Octobre
- Arman et Pierre Restany visitent la « Cédille ». Pierre Restany suggère que nous écrivions
de fausses lettres d'adultères (en français, anglais et allemand) et que nous les vendions aux
touristes Arman suggère que nous mettions en vente de fausses mouches espagnoles, un
portefeuille de légionnaire complet avec des photos de souvenirs, lettres, insignes
militaires, etc... et d'incroyables trophées de chasse, telle une chaise chassant découverte
dans la jungle. (Filliou).
1966
« La Cédille » est habituellement fermée aux heures normales d'ouverture.
Sur la porte, une ardoise : « On est au café du Midi, chez Gisèle et Raymonde ».
Par contre, « la Cédille » ouvre à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Dates
importantes pour « la Cédille qui Sourit », tous les trois mois : Comment payer le loyer ?
A
lieu, en février, à « la Cédille qui Sourit » l'unique exposition personnelle réalisée en ce
lieu. Celle de Ben. George Brecht aime beaucoup le fil vertical (une ficelle qui pend du
plafond).
Daniel Biga écrit : « les Oiseaux mohicans ». Ce recueil de poèmes représente une
tendance parallèle à celle de la « beat-generation ».
Viallat vient à Nice.
- A cette époque-là, je suis arrivé à Nice. J'y ai rencontré Ben, Arman,
Venet A cette époque, Nice était très « Nouveaux Réalistes » et Arman avait une influence
considérable. Arman m'a beaucoup apporté dans la mesure où mon travail s'est fait contre le
travail des Nouveaux Réalistes. C'était un travail de réaction à un esprit niçois, plutôt qu'aux
mouvements de la mode, aux avant-gardes parisiennes.
(Claude Viallat, entretien avec
Bernard Ceysson, Musée de Saint-Etienne, décembre 1974).
George Brecht, durant l'année, travaille sur « The chapter of the Tumber on fire ». Il fait les
pièces qu'il exposera, entre autres, à la Galerie Schwarz. Bernar Venet réalise ses premiers
tableaux représentant des schémas mathématiques. Certains pensaient que c'était encore du
Nouveau Réalisme, d'autres diront que c'était le début de l'art conceptuel rigoureux.
Michel Vachey habite Nice.
Gilli expose ses coulées qu'il avait commencé à créer en 1965.
Farhi crée ses premiers moteurs.
- En travaillant avec César, qui faisait ses compressions,
j'ai trouvé que les moteurs eux-mêmes étaient très beaux.
César les compressait, moi, je les ai repris tels quels et je les ai
repeints.
16 Juin
Le Théâtre Total annonce une pièce d'avant-garde à l'Artistique qui a pour titre:
« Personne
», et personne n'est admis à voir la représentation.
Juillet
Rétrospective Arman, au Musée de Saint-Paul-de-Vence. Ben manifeste contre cette
exposition et distribue un tract dans lequel il dit : L'art dit « d'avant-garde » ne doit plus être
l'exploitation stérile de la démarche de Duchamp, décapité de sa jeunesse et de sa puissance,
et verni, encadré, hédonisé pour la petite bourgeoisie et les salles d'attente des dentistes.
Marcel Alocco et Ben interviewent George Brecht pour : Identités.
« Impact » à Céret. Exposition organisée par Jacques Lepage et Viallat, avec notamment,
parmi les niçois, Ben, Farhi, Viallat, Arman, Chubac, Gette, Gilli, Malaval, Venet. Pour cette
exposition, Viallat dit à Lepage :
Il faudrait quelqu'un pour faire l'affiche.
On choisit Arman.
Arman jette des formes de palettes, que lui apporte Viallat, sur un papier, ce sera l'affiche.
Je
fis un concert Fluxus et pour la première fois, on m'a payé pour cela. (Ben).
John Cage à la Fondation Maeght. Ben distribue un tract contre, dans lequel il est dit que Cage
trahit son message qui est de toujours faire du nouveau.
Dietman arrive à Nice.
- J'ai rencontré Bernar Venet à Venise qui me dit : - Viens loger chez moi, à Nice, j'ai un grand
appartement et comme je voyage beaucoup... J'arrive à Nice avec quinze valises et je trouve
une toute petite pièce en haut de trois étages, dans la rue Pairolière. J'y suis resté six mois
environ.
Août
Exposition avortée de l'Ecole de Nice à la Galerie Verrière, de Cannes. Feuilleton à trois
épisodes : Premier épisode : Jacques Verrière et Francis Mérino décident de consacrer les
activités de leur galerie à l'Ecole de Nice. Deuxième épisode : Exposition de Farhi. Troisième
épisode : Exposition de Gilli. Au vernissage, les murs sont vides. On raconte que le camion
transportant les oeuvres a eu un accident...
10 Septembre
Ben signe la nature et, à cette occasion, il déclare la ferme de Daniel Cherry, à Argenton,
Musée d'Art Moderne (publication d'une invitation avec de fausses préfaces).
Octobre
Exposition à la Galerie A, intitulée : Le litre de Var supérieur coûte 1,60, avec : Alocco, Ben,
Bozzi, Brecht, Chubac, Dietman, Farhi, Mosset, Klein, Olbenbourg, Viallat.
Viallat expose un torchon et un essuie-mains sur rouleau et une toile
non tendue. Alocco ne faisait pas encore de la peinture mais des petites boîtes avec des ciseaux
dedans, qu'il appelait : « Bande objet ». Après le vernissage, Mérino, George Brecht, Filliou
organisent la tournée des dix bars : il fallait boire un verre de rosé par bar. Il y avait aussi
Dick Higgins et Alison Knowles.
Alison Knowles et Dick Higgins s'arrêtent à Villefranche sur leur trajet de Prague à Londres.
Pendant leur séjour, Dick réalise « l'acte 30 » de son (C Cosmics Ways » en se fracturant,
en se disloquant quelque treize os de son avant-bras. Pièce qui futsuivie par celle de Filliou :
« Aller-à-Londresà-la-place-de-Dick-Evenement » et des
« Nous-voici-c'est-pas-l'heure-de-lavisite-Evénement » au chevet de Dick,
à l'Hôpital Saint-Roch de Nice.
La soirée précédente avait vu la procession d'Alison Knowles commençant au Café Le Provence
à Nice, avec des instructions discrètes pour faire quelque chose avec ses mains pendant qu'on
marchait en ligne.
Claude Viallat commence le travail qui va être le sien, entre autres, le travail de la toile
libre sans châssis.
- J'ai commencé mes premières toiles non tendues sur un châssis, pour des
raisons pratiques. A Nice, il m'était difficile d'emmagasiner des toiles dans un trop petit
logement : les toiles pliées, cette difficulté s'envolait... De ces raisons pratiques, va naître
une nouvelle technique. Ces toiles non tendues, je ne pouvais plus les peindre en gras, mais
en maigre... Comme je les peignais dehors, à même un sol de gravillons, il me fallait accepter
que les gravillons marquent le dos de la toile. (Claude Viallat, entretien avec Bernard
Ceysson, Musée de Saint-Etienne, décembre 1974).
Dorothée lannonne visite la « Cédille qui Sourit ».
La Cédille demande à des artistes de participer à « Contribution to the art of giving ». Gilli
fait des pinceaux, Arman coupe un livre qui s'appelle « un demi livre d'une demi livre »
Venet fait des découpages de papier, Ben, des boîtes mystère et des trous portatifs, Serge
Oldenbourg, des contenus, etc...
1967
Erik Dietman fréquente la « Cédille qui sourit ». Il crée les chaises et meubles avec
cactus : Sous ces trois chaises, amputées chacune d'un pied, j'ai posé, comme vous pouvez le
voir, trois cactus de variétés différentes. Au rythme lent de leur croissance, il leur faut un
ou deux ans pour atteindre le siège et là, avec leurs épines et leur force, ils continueront
lentement, toujours au même rythme, à pousser la chaise jusqu'à la renverser. Observez que
les cactus étant de variétés différentes, ils ne poussent pas à la même vitesse... (Dietman).
Raphaël Monticelli fait un travail théorique avec Dolla, Miguel, Alocco, Maccaferri. Il quitte
Nice en 1968 et n'y revient qu'en 1972.
Annie Baricalla expose des pots de fleurs à la Galerie Ben Doute de Tout.
Serge Oldenbourg de sa prison, en Tchécoslovaquie, écrit à la Cédille:
- Je crois qu'ils vont pouvoir m'intégrer à l'Ecole de Nice (les membres de ce groupe sont de
célèbres non buveurs), vu que je n'ai pas bu une goutte d'alcool depuis six mois.
Viallat, Dezeuze et Saytour se rencontrent et discutent.
- C'est un peu la mise en place des théories et du travail de Supports-Surfaces (Lepage).
Takis vient s'installer à Villefranche. Robert Filliou lui sert d'assistant.
Daniel Biga réalise ses travaux sur le problème de la sexualité. Il s'agit surtout d'un travail
didactique et pédagogique pour faire connaître le fonctionnement de la sexualité. Il expose ses
tableaux didactiques à la Galerie Ben Doute de Tout.
Charvolen réalise une pièce en plastique non tendue sur châssis, dans laquelle l'inscription
du dessin est réalisée par le pliage et l'application d'une partie de plastique sur l'autre.
La mairie de Villefranche reçoit des projets d'aménagement de la Citadelle : entre autres, la
création d'un nouveau casino, l'ouverture d'un Hôtel Hilton. La « Cédille qui Sourit » propose
de transformer la Citadelle en « Non Ecole de Villefranche ». L'idée générale était de réaliser un
centre de création permanente, où, dans la plus grande liberté,
des recherches inter-disciplinaires auraient pu avoir lieu. Le projet s'appelait :
« Non Ecole de Villefranche ». La
municipalité n'a pas donné suite au projet.
Saytour réalise une pièce avec des bandes de plastique autour d'un châssis d'ardoise.
8 mars
Exposition Ecole de Nice chez de la Salle à Vence.
avril
Le groupe Fluxus, de Nice, organise : « Une bonne journée ».
- Pourquoi ne pas essayer
de
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