Vous aimez ce que je fais ?
Vous êtes une grande galerie ?
Un musée ?
Vous voulez une expo de Ben, pourquoi pas ?
Voici les conditions :
Transport, frais d'assurance, voyage à votre charge,
Achat obligatoire de 100 000 FF au prix de vente Ben
Par ailleurs sachez aussi que j'ai horreur de me repéter et que donc
je chercherai de nouveaux thèmes qui me collent à la peau
Si je trouve un thème, je vous le propose
Et qui vivra verra.
DANS LE MONDE ANIMAL CELA S'APPELLE PISSER SUR UN TERRITOIRE.
Je fais des peintures écrites
depuis 1958.
Quand jai peint des écritures cétait le sens qui comptait
et non pas le graphisme.
C' était pour dire la vérité.
Cétait des vérités objectives, des vérités
subjectives etc.
Ceci étant, la vérité nest pas facile à trouver.
Aujourdhui cette vérité que je ne cherchais que dans lobjectif
et le subjectif, je la découvre un peu partout. Y compris, hélas,
dans le message pompeux politique.
Ne pas faire comme les autres : manger au milieu de la rue, cirer les godasses des autres, me taper la tête contre un mur etc. Il peut y avoir des gestes simples et il peut y avoir des gestes spectaculaires. Mes premiers gestes datent de 1960. Je les avais théorisés dans le cadre des appropriations : puisque tout était art je m'appropriais la giffle, le coup de pied au cul etc.
Le tampon c'est la communication
la plus directe, sans superflu littéraire. Dans les années 1962
j'aimais tamponner pour communiquer, pour prendre possession de... Aujourd'hui
je trouve ça un peu idiot car je m'aperçois que le tampon c'est
l'instrument favori du pouvoir : tampons d'expulsion, de naissance, de la morgue,
sur la carte de séjour, d'authentification, au point où je me
demande si ce qui sépare l'homme de l'animal n'est pas le tampon. au
fond j'aurais préféré être un "homo non tamponus"
Ben 1995
"Tampons de Ben"
162/1980
Meuble support bois comprenant 48 tampons
48 x 101 x 8,5 cm
Mail Art ou Art Postal
1960-1994
Je n'ai pas fait du Mail Art pour faire du Mail Art ou devenir un artiste mail art ; j'avais tout simplement un besoin important de communiquer; de faire savoir aux autres ce que je faisais, mes idées, mes astuces sur l'art. C'est très simple : je me suis dit puisque personne ne veut m'exposer, m'éditer, je vais donc leur écrire et la poste est là pour m'aider à communiquer.
Je fais des peintures écritures
depuis 1958.
Si j'ai peint des écritures c'était le sens qui comptait et non
pas le graphisme.
C'était pour dire la vérité
Vérités objectives
Vérités subjectives
Ceci étant, la vérité n'est pas facile à trouver
En 1958 j'ai le choc Duchamp. Alors
pour moi la peinture est finie, je ne pouvais plus rien jeter. Une allumette
était aussi belle que la Joconde. Il fallait donc tout garder : les pots
de peinture vides, les pinceaux, etc. J'ai tout cloué. Pour gagner ma
vie je vendais des disques d'occasion et au premier étage je fis une
petite galerie "pour chercher le nouveau"
(Texte écrit sur le Magasin, Beaubourg 1976)
En 1980 et 1994 j'ai transformé l'aile droite et l'aile gauche du magasin
à Beaubourg ainsi que le dos plutôt que de les laisser noirs et
vides
Il y a le grand art qui est dans
les musées et puis dans la rue il y a le marché aux légumes.
Et dans le marché aux légumes il y a la vie de tous les jours
et au musée il y a lartiste qui dit : " jaimerais
exposer la vie de tous les jours ". Alors jai écrit sur
des cageots des phrases entendues au marché.
Jaime aussi le cageot parce que cest un support gratuit que lon
trouve jeté par centaines au marché. Cest mon petit côté
radin.
Il s'agissait d'écrire le
mot art sur n'importe quel objet qui me plaisait. Je désirais que ça
soit une série illimitée vendue à très bon marché.
Hélas très vite certains de mes "art" furent mis en vente comme
originaux, ce qu'ils étaient dans la mesure où ils étaient
tous différents.
Templon me demanda d'arrêter cette série qui portait tort à
mon marché.
Mes premières écritures
cétait des graffitis sur les murs dans la rue. je me souviens dun
sur lequel jai écrit " maman " et un sur lequel
jai écrit le mot " mur ".
Il y a très peu dexpos sans que je demande le droit de bomber sur
un mur à la dernière minute un texte circonstanciel concernant
mon humeur de linstant. Ce qui fait peur à beaucoup de marchands.
Car ils se disent " Ben va dire du mal de nous
"
Quand jai rencontré Annie en 63 tout de suite elle mavait
fui car je lavais effrayée avec mes discours. Un matin quelle
prenait son bus, sidérée elle sest trouvée nez à
nez avec : " Annie je taime écris moi réponds
moi téléphone moi au
" toute une déclaration
écrite au marker sur le poteau de larrêt des bus.
Galerie Lara Vincy Paris, 1983 ; Villa Arçon, Nice, " Pas à côté pas nimporte où, 1989 ; MAMAC, Nice, 1990
En vérité, je viens
de lavenir pour vous avertir que cette expo va changer le monde en lan
3203 En vérité, comme dit John Cage, toute est une question demploi
du temps.
Jhésiterais entre avoir lemploi du temps dun mendiant
ou celui dun milliardaire)
Les temps sont venus de ne plus mentir
à Annie
Les temps sont venus de m'arrêter de courir les expos
Les temps sont venus de ne pas céder à toutes les compromissions
Les temps sont venus de ne plus ramper pour un peu de gloire
Les temps sont venus de faire le point
Les temps sont venus pour dire à mes enfants que je les aime
Les temps sont venus de ne plus avoir peur de nos propres pensées
Les temps sont venus de vouloir être vrai
Les temps sont venus de dire non à la manipulation
Les temps sont venus pour ne plus être jaloux des autres qui passent à
la
Mes premiers miroirs datent dune
discussion avec Yves Klein et Arman en 1961. Nous avions parlé du thème
de la représentation du monde dans la peinture. Je leur avais déclaré :
je signe les miroirs car si on cherche la représentation pour la représentation,
en signant les miroirs je signe le portrait le plus parfait.
(voir dans Ben Dieu, la réalité).
Je fus ensuite un peu jaloux de Filliou qui reprit le miroir en le nommant le
portrait de Dieu.
L'ego est une de mes matières favorites. D'abord je l'ai en face de moi, en moi. Il me suffit donc de me poser des questions et d'y répondre. Mon intérêt sur l'ego rejoint ma théorie générale de l'art que toute vie est survie et que l'ego est une forme de survie.
Galerie Zwirner, Cologne ; Galerie Foksall, Varsovie ; Galerie Kahn, Strasbourg, 2000
Ce que jaime bien avec les
banderoles, cest que jarrive quelque part avec un petit paquet,
que je le déroule et que joccupe tout lespace.
Je me sers des banderoles pour communiquer au plus grand nombre, dans la rue.
Jai rêvé une nuit que je voyais une énorme manifestation
dun million dindividus descendant les Champs Elysées portant
des banderoles : Tout est art, la Vérité changera lart,
pas dart sans ego.
Lespèce humaine tourne en rond etc. Personnellement je ne fais
pas de différence entre un tableau et une banderole dans la mesure où
cest le sens qui compte.
Galerie Daniel Templon, Paris, 1970 ; Documenta Cassel, 1972 ; FIAC, Paris, Stand Baudoin-Lebon,1984 ; Galerie Ecart, Genève, 1984.
A partir de 70 on me reconnaît
en tant qu'artiste, en tant que l'artiste qui fait des écritures. Moi
qui reprochais aux artistes de se répéter continuellement je me
trouve en train de me répéter à écrire sur toiles
noires ou sur fonds blancs. Je cherche néanmoins des choses nouvelles
à dire et à écrire, à souligner. Hélas j'ai
peur aussi que cela ne devienne un style, une forme de goût, donc détestable.
Je m'en veux beaucoup lorsque mes textes contiennent des aphorismes et des banalités
pontifiantes.
Mes tableaux concernent les ethnies
et sont là pour défendre mon point de vue que le monde devra être
pluri-culturel. C'est-à-dire que nous n'allons pas vers une seule avant-garde
mais autant d'avant-gardes qu'il y a de peuples et de cultures et de langues.
Ces tableaux parlent de la relation qu'il y a entre le pouvoir et l'art.
Galerie Schüppenhauer, Cologne, 2000 ; Biennale de Lyon, 2000
J'ai eu l'idée de cette série
après une conversation avec Viallat qui m'avait soutenu qu'un des travaux
essentiels de Supports-Surfaces était contenu dans la déconstruction
du tableau. Il m'avait dit : moi je déconstruis la toile, Saytour s'occupe
du pli, Dezeuze s'occupe du châssis. Rentré chez moi je me suis
dit : mais il se trompe si on veut déconstruire le tableau il y a beaucoup
plus qui entre en ligne de compte dans l'existence d'un tableau. La famille,
la société, etc etc. C'est vrai que je voulais impressionner Catherine
Millet avec cette pièce. Je ne crois pas que ça ait marché.
La Déconstruction a été vendue par Templon à Cavellini
qui l'a donnée à son fils qui l'a revendue à Pierre Nahon.
Pierre Nahon la trouvant trop grande m'a demandé de la diviser en 4 chapitres,
ce que j'ai fait.
Galerie Daniel Templon, Paris, 1973 ; Galleria Nuovo Instrumenti, Brescia, 1974
Une des pierres de touche de mon
échafaudage théorique : lego.
Cest parce que lego doit survivre que lartiste cherche à
être différent et à créer. Ainsi, sans ego, il ny
a pas de nouveau. Par contre, étant donné que cet ego est partout,
si on veut vraiment changer lart il faut changer lego. Jai
donc proposé les exercices suivants pour changer lego :
tomber amoureux ne pas parler dart passer inaperçu
avoir honte dêtre un artiste copier ne pas
exposer ne pas juger être naturel perdre sa mémoire
anti-dater être un raté devenir anonyme
ne plus faire dart se tuer.
Galerie Daniel Varenne, Genève
" jai voulu dire
la vérité et jen ai fait un mensonge "
" jai voulu ne pas juger mais je men suis jugé
supérieur "
" jai voulu être naturel mais jen ai fait une comédie "
" jai voulu faire du nouveau mais jai fait comme les
autres "
" jai voulu être libre mais jai opprimé les
autres "
" jai voulu abandonner lart mais jen ai fait de
lart "
" jai voulu changer de style et jen ai fait un style "
" jai voulu être important et il ny a pas dimportance "
Cette série de "stupid ideas" que j'ai exposée à la Galerie Gibson en 1975 devait illustrer un art d'attitude dans lequel déboucher l'évier de la cuisine de ma femme était aussi important que de réaliser une sculpture en bronze de deux m de haut. J'ai répertorié une série de détails de ma vie tels que regarder la télévision en famille, transpirer, danser le tango.
J'ai pas d'idée/Une idée stupide/L'idée de chercher une idée. Je cherche une idée, je la trouve, je la dis, je l'écris, je me l'approprie. Cela suffit. Avant Duchamp et Dada, l'idée ne suffisait pas, il fallait de la pratique. Après Duchamp et Dada, l'idée devient art. V. Duchamp-Dada. On m'a dit qu'il existe une école d'art au Canada qui annonce dans sa publicité : "Laissez nous votre enfant pendant un an et il peindra comme Rembrandt, Van Gogh ou Manet, au choix." Ceci revient à dire que seule l'idée compte et non pas le produit. Une grande critique d'art, c'est ma concierge qui dit : "Ah, Picasso, n'importe qui peut faire ça. Mais il fallait en avoir l'idée". J'ai eu une période des "Idées". Je m'installais à une table et je notais toutes les idées qui me venaient. Quelques exemples : - Décrocher de leur châssis dix toiles de maître, les introduire dans une machine à laver, les laver, les raccrocher à leur châssis après leur lavage" (1969) - "Chercher le galet le plus commun de la plage de Nice" (1967). "Une idée" (écriture 1970, 60 x 60). "Stupid ideas". Série de panneaux réalisée en 1975 pour la galerie de John Gibson à New York, parce que John Gibson m'avait dit un jour : "Ben, tu es un artiste stupide".
Galerie Gibson, New York, 1975
En 1987 jai commencé
à trouver, à penser que les expositions davant-garde devenaient
non seulement élitistes mais ennuyeuses.
Des genres de " mas-tu vu ? ", " je
viens de faire un trait au crayon sur le mur " ménervaient
fortement.
Jai trouvé cela inutilement prétentieux.
Jai décidé de travailler des uvres divertissantes
au moins pour les enfants et je décidais que jaimerais faire rire
ou sourire.
Jai de plus en plus de petites idées qui me font rire.
Avant je les rejetais, maintenant je les garde.
jen ai même trois tiroirs pleins à craquer.
Kunstmuseum Solothurn 1980
Il ne s'agit pas comme on pourrait
le croire d'une autre variante de l'opération "ready made". Mais de la
recherche d'un degré 0 de la peinture. Je vais vous expliquer. Préoccupé
depuis deux ans par le geste
culturel de la peinture et surtout par la polémique au niveau de son
champ spécifique la question que je me posais était : Existe t-il
dans chaque homme une peinture minimum comme une musique minimum ? C'est-à-dire
une peinture qui ne se détermine pas par rapport à des références
culturelles et où pourrais-je voir cette peinture ?
Ce lieu je l'ai découvert en me promenant : ce sont les vitrines des
magasins que leurs propriétaires passent au blanc d'Espagne lorsqu'ils
partent en vacances, car le propriétaire qui prend dans sa main l'éponge
ou le pinceau pour couvrir la surface, va avoir recours à une forme,
un geste. Il va donc apparaître entre toutes les vitrines des différences
et ces différences seront la peinture de l'inconscient sans référence
culturelle : la peinture 0.
Les vitrines de magasin recouvertes de blanc d'Espagn , Daad Berlin 1979, Galerie Chantal Crousel, Paris, 1983
L'art doit opérer une introspection sur lui-même, cette introspection changera l'art dans la mesure où, grâce à elle, les rapports entre l'homme et l'acte de création se transforment
"ma lâcheté de vouloir
plaire"
"mon envie d'être seul"
"mon angoisse de laisser indifférent"
"ma honte d'être ici"
"mon insatisfaction du présent"
Libre de quoi ?/Libre de faire laid/Libre de faire sale/Libre de préférer les graffiti du métro du New-York aux tableaux du Guggenheim/Libre davoir une indigestion de Supports-Surfaces/Libre de dire " lhistoire linéaire de lart de Ben rien à foutre ! "/Libre de préférer passer la nuit dans une boite de nuit que découter Sollers/Libre davoir envie de refaire du Matisse, du Picasso, du Bonnard/Libre de chanter " Maréchal nous voilà " ou " viens poupoule viens "/Libre daimer Mickey, la bande dessinée et pas Lacan/Libre de sen foutre si on vous dit : tu copies/libre de dire : "Carpaccio, connais pas ! "/Libre de vendre pour le fric/Libre de peindre sa bite en action/Libre de peindre sur nimporte quoi.(Ben, 1982).
Il y a des jours où
Il y a des jours où je me sens le plus fort.
Il y a des jours où jaime les femmes.
Il y a des jours où jai envie de boire pour oublier lart
Il y a des jours où je me demande si j'ai raison.
Il y a des jours où j'aimerais avoir un harem.
Il y a des jours où j'aimerais vivre seul sur une île.
Galerie Avant-première, Paris, 1983 ; gare du Sud, Nice, 1983 ; FIAC Stand Baudoin-Lebon, 1984 Mukha, Anvers, 1987
Je vois toujours deux têtes
partout. Vous me montrez une casserole jy vois une tête, deux chaussures
par terre je vois une tête, cest même devenu un problème
pour moi ne pas les voir.
Je me rappelle que ma mère disait : le petit fait des portraits
très ressemblants. Cétait pas vrai. Néanmoins, aujourdhui
je me sens libre de faire des
têtes. Le jour du vernissage je réaliserai mon autoportrait à
19h30.
PS : entre 1960 et 1969, javais pris position pour Duchamp contre
Picasso et Matisse, cest à dire contre le rétinien et lanecdote.
A partir de 1970, jai une envie coupable de faire des portraits. Et surtout
le jour où je découvre un livre de sculptures de Picasso où
on voit des portraits faits de simples petits trous dans les nappes.
J ajoute alors à ma théorie du nouveau le côté
positif de linvention.
Ben 1995
Galerie Beaubourg, Paris, 1983
Il n'y a pas qu'un Ben ethniste ni
un Ben sous-Duchamp mais aussi un Ben qui a des fantasmes.
Tout le monde a des fantasmes y compris Chirac, Mitterrand, Reagan. Si on les
connaissait ça irait mieux.
A l'exposition de Sylvana Lorenz je suis monté sur une table et, en pleine
forme, j'ai demandé à toutes les personnes présentes de
me parler de l'amour. Petit à petit l'atmosphère s'est décongestionnée
et il y a eu même un débordement, chacun voulant surenchérir
sur l'autre et c'est devenu un confessionnal de l'amour.
Galerie Daniel Templon, Paris, janvier 1991 ; Institut culturel de Bari, 1992, Galerie du cirque, Paris, 1998
En général chez moi la théorie vient en premier. Pour la démontrer, je cherche une idée. Je la trouve et je la réalise. Mais parfois, c'est différent c'est la matière, le hasard, la transformation qui entraînent l'idée. Par exemple je coupe un bois, je le coupe de travers sans le faire exprès, j'accepte le bois de travers. Je pose mon pinceau, il durcit, j'accepte sa dureté. Je laisse un tableau au soleil, le soleil laisse une trace, j'accepte sa trace. Je ramasse un objet, je le trouve lourd, j'accepte son poids. Ce sont ces travaux, parfois seulement des détails, que je vais montrer ici. Le jour du vernissage comme dit John Cage il se passe toujours quelque chose on ne peut pas ne pas laisser de trace.
(Galerie Fournier, 1983)
Mes travaux en matière et transformation se rapprochent de mon travail sur la déconstruction qui est plus didactique, moins esthétisant, mais qui contient la même réflexion sur le tout est art de la matière.
Les premiers "néo-géo" j'ai pensé que c'était du sous-Duchamp. Moi-même, chaque fois que j'ai eu la tentation d'exposer un objet seul j'ai hésité en pensant que ça faisant trop "ready made" mais après tout pourquoi pas. Duchamp n'a fait que deux ou trois Ready made et le monde est plein d'objets avec des formes étonnantes qui ont de la présence et se suffisent à eux-mêmes.
Galerie Michel Battle, Toulouse, 1986
Mon cheval de bataille théorique en ce qui concerne l'art contemporain a toujours été qu'il fallait trouver du nouveau et puis un jour je me suis dit : mais c'est pas tout à fait vrai on peut trouver du nouveau et, parce qu'on n'a pas le courage de l'assumer, on ne l'impose pas et il n'entre pas dans l'histoire de l'art. Ce n'est pas le carré noir de Malévitch qui compte c'est le courage qu'il a fallu à Malévitch pour imposer son carré noir. Ce n'est pas le Porte-bouteilles qui compte, c'est le courage de Duchamp qui dit : je maintiens que c'est une oeuvre d'art. Ce n'est pas le monochrome de Klein qui compte, mais le courage qu'il a eu de vouloir conquérir la rue de Seine et de vouloir mettre un point final à l'abstraction avec le monochrome. Et ainsi de suite. Il y a dans l'histoire de l'art le courage de Kandinsky, le courage des impressionnistes, le courage de Rembrandt. Ce que je reproche à cette série en tant qu'art c'était qu'il s'agissait d'un discours pédagogique et que ça ne contenait pas un nouveau courage.
Galerie Catherine Issert, Saint-Paul-de-Vence, 1987
Lidée du totem est de
trouver 7 ou 8 objets quon peut poser les uns sur les autres en équilibre,
sans quils tombent. Jai donc commencé à réunir
des objets hétéroclites qui pouvaient sinscrire dans cette
logique et je les disposais en totem.
Je me demande si cest par jalousie envers Lavier ou en regardant certains
livres dethnologie dans lesquels javais remarqué que de nombreux
peuples sexprimaient avec le totem en Afrique en Asie et chez les Améridiens
que jai eu lidée.Une fois que javais fait mes premiers
totems je les ai théorisés.Catherine Issert qui les avait présentés
nen avait pas vendu un seul, entre autre parce que les collectionneurs
avaient peur quils tombentJai donc trahi tout mon discours en les
perçant et en utilisant de la colle ou en mettant une tige qui les tenait
entre eux.
Galerie Catherine Issert, Saint-Paul-de-Vence, 1991
Depuis le porte-bouteilles de Marcel Duchamp, tout objet peut être considéré art. Alors je prends un objet au hasard, je le colle sur une toile et jajoute la mention " encore un objet qui se prend pour de lart ". Jai ainsi réalisé une bâche avec des rayures bleues de 8 cm. Lidée nest pas de me moquer de lavant-garde, mais de montrer que lintention suffit pour décider quun objet est art.
Je me souviens du temps où
ma mère savait lire lavenir dans le fond dune tasse de café.
Comment faisait-elle pour voir des amours, des rencontres, des voyages, tout
ça dans quelques traces de café au fond dune tasse , Aujourdhui,
en 2000, je reste fasciné par les artistes qui montrent presque rien,
une petite idée, un détail infime. Jai un tiroir dans lequel
je jette des petits détails qui, je ne saurais dire pourquoi, mont
attiré lil : un bouton cassé, un pot de peinture
vide, un trombone soudé, un élastique pourri etc.
Les détails ressemblent aux remarques. Robert Bozzi le niçois
et moi un jour avions remarqué quil manquait un bouton à
Le Clézio et on avait décidé de signer des remarques.
Et puis il y a bien sûr Colombo, linspecteur qui dit : " vous
savez lembêtant avec moi cest quil y a toujours un petit
détail qui colle pas et je my accroche ". Je fais de
même :une lettre avec un coin déchiré, une photo de
groupe avec un inconnu et je me demande qui cest, la liste des courses
quAnnie ma données à faire, le bouchon du stylo que
jaime tant et que jai perdu, trois punaises sur un mur, un dessin
qui a été à moitié effacé
Ma mère avait l'habitude de
me dire : Ben toi qui cherches toujours la vérité et qui en écris,
sache qu'on trouve tout dans la Bible et tu pourras toujours t'en sortir en
citant la Bible. Pour tuer, pour aimer, pour pardonner ... en plus ça
fait bien dans une conversation de dire : c'est dans la Bible. Ca cloue le bec
à tout le monde.
J'ai donc cherché quelques phrases dans la Bible qui pourraient concerner
l'art contemporain et j'ai trouvé :
- les premiers seront les derniers
- au commencement fut le verbe
Association 301, Clermont-Ferrand, 1992
Braque et Picasso peignaient une
période " oiseaux ". Je ne vois pourquoi moi je naurais
pas une période " oiseaux ". Dailleurs je vois
des oiseaux partout, même dans une casserole.
Jai fait une exposition doiseaux pour Apomixie. Au départ
cétait : comment me débarrasser des milliers dobjets
que je mets de côté. mais quelques uns mont vraiment plu.
Dailleurs je ne sais même plus où ils sont et je narrive
plus à les re-tracer pour les exposer.
Galerie Apomixie, Paris, 1991
J'ai toujours été fasciné par les valises et les malles aux marchés au Puces. Les valises d'immigrés, les valises des dames riches. Quand je voyageais avec ma mère elle me parlait de ses valises en cuir qui coûtaient très cher. Je décidais donc un jour d'exposer au sol une trentaine de valises contenant chacune quelque chose d'autre de différent. A partir de 1978, jai acheté des valises et des malles que je transforme en petits musées.
Art Tecnic, Mulhouse, " Ben se fait la malle ", 1992
Je devais faire une expo à Neuchatel à la Maison des Jeunes et de la Culture et quelque part dans la conversation avec JP Huguet il m'avait dit : " Tu sais il y en a beaucoup qui te prennent pour un fou." Ca a fait tilt et je me suis dit : et pourquoi pas ? J'aurais voulu être fou. Fou comme le facteur Cheval, fou comme Lautréamont, fou c'est-à-dire différent des autres . Bien sûr je ne suis pas fou. Ca les arrangerait de me prendre pour un fou. Je suis lucide. Je vois tout. Qui sait c'est peut être une forme de folie.
Maison des jeunes et de la culture, Neuchâtel, 1993
Blois :
Depuis la façade du musée
de lobjet à Blois, que jai réalisée avec Pierre
Jean Galdin, il m'arrive de faire de plus en plus souvent dimaginer des
textes sur plaques émaillées. Cela présente plusieurs avantages
:
1) ça tient le coup à la pluie,
2) les couleurs sont vives,
3) ça se nettoie facilement ,
4) et surtout la communication passe.
Ca devait être une cour pour le cours de musique, jai donc rempli
la façade de 12 x 30 m avec des textes concernant la musique.Lexpérience
mayant appris que la pluie et le vent détruisent tout, jai
tout fait faire en plaques émaillées et pour linauguration
nous avons réalisé un concert Fluxus durant lequel, à chacune
des 25 fenêtres, un musicien jouait une partition ou la chantait. Jai
aussi transformé Jack Lang et Douste Blazy en sculptures vivantes en
leur donnant une médaille avec le texte : Je, soussigné Ben,
déclare Jack Lang (Douste Blazy) sculpture vivante.
Faculté de médecine, Nice:
Mon but en réalisant ce projet
pour les espaces communs de la faculté de médecine de Nice n'était
pas de proposer une oeuvre esthétique ou décorative mais de créer
un hall qui incite l'étudiant à la réflexion, un hall de
la remise en question.
Ce que je recherche avant tout est que les élèves déambulant
dans ces couloirs soient confrontés à des citations qui les fassent
réfléchir, les rassurent, les inquiètent, et qu'il y ait
rebondissement de pensées entre la citation et l'étudiant.
Musée de lobjet, Blois, 1994 ; Faculté de médecine, Nice, 1999 ; vile de Fontenay.
Il y a quelques années de
cela, je regardais beaucoup la télé et je lisais la presse. (Je
le fais toujours)
Il venait d'y avoir la guerre du Golfe, le sida gagnait du terrain, le chômage
aussi. Je sentis alors l'angoisse. Et voilà que Catherine me demande
de réaliser son expo d'été à Saint Paul de Vence.
Ca m'a mis très mal à l'aise. Tout se casse la gueule et moi je
vais aller montrer mon cul à Saint Paul de Vence.
J'ai donc pensé réaliser une exposition sur la peur. Je voulais
que les gens entrant dans l'expo se retrouvent comme dans un miroir face à
leur propre peur. Je crois que l'expo fut réussie mais à un moment
donné ça s'est transformé en divertissement et les gens
ont dit : ah c'était très bien les peurs de Ben! Un peu comme
s'ils avaient été dans le tunnel de la peur dans une foire.
Je continue en ce moment à avoir peur : peur des mensonges, peur
des flics, peur du climat, peur de la vache folle
Galerie Catherine Issert, Saint-Paul-de-Vence, 1994 : Galerie Moser.
Pour lexpo de Krebs à
Berne, jai pas voulu tomber dans le maniérisme de ma propre écriture
ou on dirait parce que jai limpression que les gens ne sintéressaient
plus au sens mais seulement à la forme.
Pour que le sens prime sur la forme, je suis revenu à une écriture
bâton simple sur fond blanc
Lexpo na eu aucun succès. jen ai pas vendu un seul.
Ceci dit, je ne la regrette pas.
Galerie Martin, Krebs, Berne, 1995
Il faut se méfier des papillons
Je ne suis quun autodidacte et sans doute ma vision de la théorie
du chaos est incomplète comme si on mavait raconté une histoire
incroyable, par exemple que Dieu existait mais quil nétait
quun joueur de billard et que je brode à partir de là.
Avec le chaos, cest surtout au niveau de la prévision quil
y a chambardement.
En faisant ces tableaux, jai imaginé des taches qui, comme les
ailes des papillons, perturberaient le cours de lhistoire de lart.
Mais sans doute cest limprévisible de John Cage qui fut le
papillon.
La Galerie Pierre Huber m'a demandé
un jour une exposition. Il y avait deux salles, dans l'une j'ai montré
des portraits et dans l'autre j'ai pris pour thème central l'argent.
L'argent est un objet métaphysique qui m'interpelle. A quoi sert l'argent
? est-il négatif ou positif pour les peuples ? Y-a-t-il un cancer de
l'argent ? Je dis souvent qu'il est faux que les artistes fassent de l'art pour
l'argent. Les artistes aiment la gloire et l'argent rentre en compte quand il
leur sert d'échelle, de critère pour vérifier leur importance
et la légitimité de leur gloire : si comme vous le dites je suis
important et si vous croyez en moi prouvez-le en m'achetant plus cher que X...
Dans le cadre d'un monde pluri-culturel où chaque peuple pourrait choisir
sa voie particulière de bien-être, l'argent me semble réducteur
et négatif. Dans la mesure où un peuple X peut détruire
des pans entiers de la culture d'un peuple Y avec l'argent.
Exemple : si le prix de certaines matières premières est moins
élevé que de les produire chez soi la culture de ces matières
premières devient caduque et c'est la destruction.
Fatigué de me répéter, je pensais à une série de personnages qui diraient une phrase que jécrirais derrière le personnage. Entre nous, la phrase se suffit à elle-même, mais le personnage rend mon discours moins pontifiant mais aussi vrai.
En 1960 j'ai signé rien et
puis j'ai oublié avoir signé le rien et j'ai fait un tas d'autre
choses mais surtout je voulais ne pas rien faire. D'ailleurs ma mère
m'avait dit : tu sais Ben rien ça n'existe pas et Arman m'avait dit :
Yves Klein a signé le vide donc si tu signes rien tu fais du sous Yves
Klein. Ceci étant l'idée du rien revenait me turlupiner l'esprit.
Le rien de Klein était spectaculaire, mégalomaniaque. Mon rien
à moi était plus la recherche d'une attitude envers l'art.
Je décidais un jour de faire un Festival International du Rien.
Galerie La Hune, Paris, 1983 ; Galerie Lola Gassin, Nice, 1988
Au départ, j'avais pensé : si jamais l'art ne marche pas j'en fais un restaurant et pour que les gens se souviennent du lieu et en parlent je fais, comme pour mon Magasin, une décoration originale. J'ai même pensé à l'appeler : la maison du fada. On y vendrait des sandwiches et des boissons, je serai dans le jardin et je discuterai avec tout le monde. Autre plan Orsec : en faire une brocante. Mais je crois encore que ce qui a de mieux est d'en faire une fondation, la Fondation du Doute. Paranoiaque artistique.