BEN VU PAR LES AUTRES

L'art c'est les autres. On n'existe que par rapport aux autres. Si les autres n'existaient pas je n'existerais pas. Voici donc en vrac ce que les autres pensent de moi.

Hélas mon ego manipule et désinforme le résultat. Il n'y a pas assez de contre. Trop de pour. A les relire j'ai presque l'air important.

S’il manque dans ce livre, comme on me le dit, un texte explicatif, une analyse sérieuse et profonde de l’œuvre intrinsèque de Ben par un de nos intellectuels, c’est exprès. Je l’ai voulu ainsi. Ce n’est pas que je ne trouve pas Bourriaud, Catherine Millet, Bernard Blistène,

Jean-Philippe Vergne, Otto Hahn etc. passionnants, vrais et intéressants, surtout quand ils parlent de moi, mais parce que lire sur Ben (moi) me met mal à l’aise ; j’ai préféré prendre le parti de présenter des petits textes courts et des extraits plutôt que de grands textes complets.

Ceci dit, vous pourrez, grâce aux indications, retrouver et lire les textes au complet.

La vérité est que je n'existe que par rapport aux autres, toujours inquiet de ce qu'ils pensent de moi.

NURIDSANY

Le Figaro (quotidien de Marseille sur l’exposition du MAC, 1995) (extrait).

Selon Fluxus, la vie est art. " Fluxus, dit Ben, c’est le gag et le choc.Fluxus est une attitude envers l’art, le non-art, le refus de l’ego. Fluxus c’est une grande partie de l’enseignement de John Cage, de dada, du zen. Fluxus c’est léger et contient de l’humour. "

L’humour est au centre du dispositif de Ben, pour qui, d’autre part, le souci de dire la vérité (sa vérité) est essentiel et constant, même si cette vérité agace. Surtout si elle agace. Vérité objective : " Cette toile pèse dix kilos trois cents grammes. " Vérité subjective : " Je suis jaloux de Boltanski. " Ben écrit cela en lettres blanches sur fond noir comme sur un tableau à l’école primaire.

CATHERINE MILLET ART PRESS 1974 (EXTRAIT).

Le nihilisme

Virtuellement, Ben est l’antidote aux démarches appropriatives contemporaines qui prolifèrent en se spécialisant (chaque type d’appropriation engendre son école), de leurs effets illusionnistes (par exemple, la douleur magnifiée, aseptisée, du " Body Art ", en regard de la douleur involontaire, crainte). Le principe est ramené à sa seule dimension interrogative. Si Duchamp en quelque sorte, avait laissé la question de l’objet en suspens, Ben à l’inverse de la majorité des courants actuels, refuse d’y apporter une réponse positive. Il n’a des moyens nouveaux de l’objet et du geste que de l’être des moyens traditionnels de la peinture.

Le geste de Duchamp et sa prolongation dans l’attitude de Ben sont les constats d’une faillite picturale que l’artiste distancie en culbutant dans un domaine extra-pictural. Mais le parti pris appropriatif tel qu’ils l’exploitent se limite de lui-même. Son efficacité nihiliste se dresse à l’encontre des institutions artistiques propres à promulguer n’importe quel objet, n’importe quel geste, comme autant de résolutions spontanées de la problématique picturale.

NICOLAS BOURRIAUD

Extrait du catalogue Pour ou Contre du MAC, à lire si ça vous intéresse
Gestes

Ce qui caractérise tout d’abord le travail de Ben, c’est son rapport à l’histoire. Nul artiste ne fut jamais plus historiciste que lui ; ce qu’il vise, c’est sa position dans l’histoire. Il est pourtant frappant de constater que, bien qu’il fut le contemporain de la vague structuraliste, des travaux de Michel Foucault et de Fernand Braudel ou de la redécouverte de l’école des Annales, sa vision de l’histoire prend le contre-pied de la leur. Ben ignore les périodisations longues et les ruptures discrètes de "l’histoire immobile" chère à Braudel : l’histoire de l’art qu’il met en scène et qu’il discute est avant tout celle des avant-gardes, celle de la recherche du nouveau, au moins dans la première période de son oeuvre. La question : "Que peut-on faire de nouveau en art ?" se pose comme le principe moteur de sa démarche, qui implique d’emblée une transparence absolue : il s’agit de savoir ce qui a été fait et d’agir en conséquence, de réagir contre ce qui existe, de se positionner par rapport à un héritage.

RAOUL MILLE

Sud Magazine, janvier 1965

Quand il lance d’énormes rouleaux de plastique sur l’assistance de l’Artistique à Nice, Ben s’amuse.
Quand il reste quinze jours, quinze nuits dans une vitrine d’une galerie de Londres, Ben s’amuse.
Quand il participe aux "happenings" new-yorkais (par exemple se promener dans le métro, les yeux fermés, sans tricher, en demandant son chemin) Ben s’amuse.
Quand à la maison des étudiants américains de Paris il trace avec sa tête trempée dans un pot de peinture une ligne aussi droite que possible, depuis la scène du théâtre juqu’au côté opposé du Boulevard Raspail, Ben s’amuse.
Quand à Nice il fait défiler tous ces disciples avec une cagoule en papier portant l’inscription " Non-Art " et, qu’ainsi parés, il leur fait visiter une galerie d’art, Ben continue de rire.
Pourtant c’est un garçon sérieux. La preuve. Ben s’arrête brusquement d’expliquer son art.
- Quelle heure est-il ?
- 4 heures. Pourquoi ?
- 4 heures, ça va. J’ai rendez-vous à 5 heures pour signer mon contrat de mariage. Tu parles, je me marie demain.

ISIDORE ISOU, 5 JUILLET 1967

Des escrocs de Dada et du lettrisme (extrait)

… Or, seuls les novateurs explicites, systématiques, continus et si possible irréversibles peuvent être considérés comme les révélateurs, les inventeurs ou les découvreurs des domaines culturels.

Ben et tous ceux qui sont les partisans des sous-Bouguereau de Dada contre les créateurs de Dada et du Lettrisme se comportent comme des faussaires rétrogrades, comme des Macpherson (le " lanceur " d’Ossian) reconnus, comme des escrocs nuisibles aux vérités les plus élémentaires de l’art moderne contemporain…

JEAN-JACQUES GLEIZAL

(grand spécialiste de la police) Galeries MAG 121 – 1992, R&P

Dans le "rien" apparent de son œuvre, Ben se situe au cœur de ce qui caractérise l’art contemporain depuis une trentaine d’années. Il est fondamentalement un artiste médiateur qui met en scène les grandes questions que se pose l’humanité. A ce titre, il est proche de la perspective de Kosuth pour qui l’art est la poursuite de la philosophie. L’art est cette philosophie en acte qui, ouverte à la réception, pourrait permettre de répondre au désarroi de la fin du XXe siècle. Mais Ben, héritier de Dada, se situe bien au-delà d’un art contemporain dogmatique pour rejoindre une contemporanéité qui n’exclut pas la peinture, cette peinture récusée et pourtant interrogée par celui qui voit en Combas un de ses descendants.

Entre Beuys et Broodthaers, Ben est avant tout un poète qui trouve pleinement sa forme d’expression dans les " écritures ". Là, il frappe toujours fort et juste. Fort, parce qu’il s’engage totalement avec son nom, avec son corps. Juste, parce qu’il va à l’essentiel dans ses questions en forme d’énigmes sur l’art, l’homme et la politique. Ce poète est obsédé par la politique qu’il résume dans son poète est obsédé par la politique qu’il résume dans son parti-pris pour les ethnies. Pas plus ici qu’ailleurs, Ben ne doit être pris à la lettre. L’ethnisme est un moyen de vivre la contradiction de l’appropriation et de la différence.

BERNARD LAMARCHE–VADEL, été 1981

Sans doute vais-je décevoir Ben qui aurait tant aimé que je fis un commentaire critique et négatif de son itinéraire et de ses recherches actuelles. Ben aimerait tant qu’à mon tour, je doute.

PIERRE LE PILLOUËR,

19 janvier 1993, Antibes
NOIR, BLANC AND COLOURS DE BEN…

…Ben déteste qu’on fasse "gonfler la baudruche" : dans sa bouche, cette expression caractérise la plupart des textes qu’on écrit à propos des œuvres ou des artistes…

Et lorsqu’il s’astreint lui-même à cet exercice, il n’a pas besoin de plus de trois ou quatre lignes, d’une image et d’une note sur dix pour définir ou épingler un congénère…

PHILIPPE PIGUET,

La Croix l’événement, 1992

Déjà, l’idée maîtresse annoncée était de proclamer la vérité parce que " la vérité par rapport à l’œuvre (son prix, sa couleur, sa grandeur, etc.) et la vérité par rapport à l’acte de création (grenouillage, jalousie, problème de l’ego, ambition) peuvent changer l’art si on les énonce ".

JACQUES BUGIER

A propos de l’exposition au musée de l’objet de Blois, Presse locale
Jack Lang et Philippe Douste-Blazy, " sculptures vivantes "
BLOIS de notre correspondant

Au pied du " Mur des mots ", ils étaient " deux sculptures vivantes ", Ben avait déjà signé Dieu, la mort et les trous. Lundi soir à Blois, il s’est approprié Jack Lang et Philippe Douste-Blazy. Chacun pourvu d’une médaille, l’ancien et l’actuel ministre de la culture sont devenus " sa sculpture vivante, parties du tout à Ben ". Ils ont désormais " le droit de réclamer et de disposer dans tout musée occitan, basque, breton, d’un socle sur lequel vous pourrez vous tenir debout sur un pied ou deux pieds " pour y être admirés comme " spécimens particulièrement caractéristiques du pouvoir centralisateur culturel français ".

GERARD DUROZOI – juillet 1989

In : Et si l’art n’existait pas ?
Oeuvres de Ben dans les collections du FRAC, Nord-Pas-de-Calais
10 septembre - 22 octobre 1989, Ecole d’arts plastiques – Lille

Ce que montre Ben (ce que, si l’on y tient, il enseigne), c’est que l’art n’est pas nécessairement synonyme d’ennui ou de componction. Qu’il se produit par une série de décisions relevant de chaque individu. Qu’il soit en cela le descendant de Duchamp, Ben est le premier à l’avoir revendiqué. Mais le voici du même coup nous rappelant inlassablement et par tous les moyens possibles que l’impératif " CECI EST DE L’ART " est bien le ressort de toute la (post) modernité, et n’a de sens qu’à être répété, dans sa visée fondatrice, par l’entendement de chaque complice.

A vous d’en jouer.

DORE BOWEN, décembre 2000.

La vérité dans la photographie.

Connu principalement pour ses performances et ses installations, Ben a développé son intérêt pour la photographie afin de documenter ses actions fugitives. Rapidement, il développe son approche unique en mariant le réalisme photographique et l’humour, provoquant ainsi la base scientifique et factuelle de la photographie (et le système de croyances qui la sous-tend) dans le style subversif de Fluxus. Avec la sagesse d’un amuseur, Ben met en scène des photographies qui tournent en dérision notre désir de capturer la vérité dans la photographie.

La comédienne Sarah Bernhardt, photographiée par Nadar sera, à jamais, une ingénue. Toutes les photographies nous confrontent à ce phénomène particulier. En dévorant avec avidité le moment, le photographe perd la relation complexe que l’objet entretient avec son évolution temporelle. Dans la série " mes gestes " (1958-1972), Ben explore ce phénomène étrange avec la ferveur d’un archiviste. La série documente une grande variété des activités de Ben, transformant sa vie en véritable catalogue. Comme le geste place le corps entre langage et simple existence physique, le corps lui-même devient un signe de l’acte gestuel. Par exemple, le sourire de Ben présente le sourire comme un signe "(" Je suis content ")-parodie du sourire obligé que nous connaissons tous plutôt que comme acte temporel.

Ben amplifie cette transformation en mettant en scène ses gestes pour la caméra. Comme le geste existe au-delà du corps, la photographie existe au-delà du moment. C’est là précisément la valeur de la photographie : elle opère au-delà de la mort. Comme s’il se défendait de sa propre mort, Ben enregistre de façon obsessionnelle la moindre de ses actions, face à l’appareil photographique.

PHILIPPE VERGNE

Ben serait un bouffon ? non. Mais un cynique comme Diogène l'était, un humoriste noir. Pourquoi Diogène ? Parce que ce personnage était motivé par la volonté corrosive de choquer et de perturber l'ordre social établi: faire l'amour en public, traverser les places publiques en traînant derrière lui des harengs, s'identifier à un chien, aboyer, mordre. Autant de gestes auxquels l'homme pris dans les rets des habitudes sociales ne peut se résoudre, mais qui font sourire et choquent. Ben utilise les mêmes procédés quand, lors du Festival des Misfits, à Londres, il vit aux yeux de tous dans la vitrine de la Gallery One. Dans la série des Gestes, il vomit, urine, extrait une boulette de son nez, crache. Ces gestes ont comme fin de choquer, et d'inciter le regardeur à sortir de sa léthargie. Provoquer le scandale dans une perspective pédagogique. Dans le même esprit, Diogène et Ben usent de la liberté de langage et de celle de tout dire, a fortiori ce qui scandalise le plus. Les chroniques de Ben dans la presse, ou cette vérité à propos de tout et tout le monde, sur le mode du persiflage, relèvent de plein droit de cette franchise du philosophe cynique qui invite à tout révéler, même et surtout le pire.

Autre mode de contestation chez Diogène, la falsification de la monnaie comme vecteur du renversement des valeurs sociales. L'équivalent existe chez Ben quand il s'approprie et signe Klein, ou les tableaux des autres. Il fait chavirer les valeurs établies de l'histoire de l'art via le pastiche.

Quand il pastiche l'art conceptuel, I'art corporel, Support(s) Surface(s) ou le Néo-Géo, il en dégage la part d'automatisme, de mécanique installée dans l'art. Imitant l'art et le soupçonnant de difformité, il invite à en rire.

Outre le pastiche, Ben utilise un autre déclencheur du rire qu'est l'humour noir. Signant la mort, les maladies et épidémies en 1960, Dieu en 1961, il s'accorde, iconoclaste, le privilège de se moquer du sacré comme le bouffon celui de destituer le roi du carnaval. Mais dans son cas l'humour dépasse le champ du risible et du divertissement. Comme toutes les entreprises de Ben, il est de nature explosive, vise à dynamiter les codes et à ravager la tradition tout en nous assurant d'un ton railleur mais innocent: "Je vous assure que je voulais rire". Ben, tu nous roules dans la farine !

Marseille 1995

(Extraits du texte paru dans Ben, Pour ou contre, une rétrospective au M.A.C. de Marseille).

BERNARD BLISTENE

Ben serait donc triste puisque la vie ne serait pas gaie. Le constat fait, il convient de faire rire: c'est le devoir du clown qui se refuse au clone C'est le devoir de l'artiste de faire des expositions comme d'autres font du cinéma. Dans un récent article, Philippe Parréno s'interroge : " Une exposition serait-elle un cinéma sans caméra ? Ben ferait-il du cinéma ? Ferait-il du théâtre ? Tour à tour les deux puisqu'il veut tout faire et dit depuis toujours qu'il ne cède pas à la loi des genres.

Ben un et multiple, Ben jusqu'à plus soif, avec son corps, avec sa voix, avec ses gestes, avec ses mots: un Zarathoustra fatigué, profane et profanateur allant du Z au A comme Warhol philosophe de A à B: "Je suis l'Alpha et l'Omega, le commencement et la fin...". Dieu à la mer, Dieu en bouteille: " Je signe Dieu "). "Rira bien qui rira le dernier". Quand j'étais petit, dit encore Parréno, je jouais au football et je commentais avec cette voix très particulière des journalistes sportifs sur le terrain... Au début on commentait les matches pour soi-même et puis un jour on a dit le commentaire à haute voix. L'éruption du commentaire sur le terrain faisait rire tout le monde, fai- sait partie intégrante du jeu, jusqu'à devenir une manière de pratiquer le football. On interprétait ce que l'on faisait et on a fini inévitablement par faire ce que l'on commentait. Si la plupart du temps les magnifiques centres annoncés se transformaient en petites passes en retrait, ce n'était jamais un échec. L'instant d'après, une passe hasardeuse devenait "un magnifique centre" longuement analysé. Dans ce brouhaha, le désir était roi et rien ne pouvait être déclaré hors jeu".

Ben serait-il si loin de cette affaire-là ? Ben dans un "un espace dans lequel les objets, les images et les expositions sont des instants, des scénarios qui peuvent être rejoué", où des histoires infinies se développent pour retrouver ce lien perdu et dont l'histoire de l'art n'a eu que faire entre, justement, I'art et, nécessairement, la vie: Ben est notre contemporain dans l'urgence absolue de communiquer par tous les moyens offerts à lui et à nous: un rêve "Internet", un réseau sans fin, une prolifération vitale, s'appropriant le tout, soumettant (autant que faire se peut) le monde pour rêver d'en voir un jour redistribuer les cartes: il faut se méfier de parodies, elles chantent autrement mais sont là pour nous dire la vérité.

(Extraits du texte paru dans Ben, Pour ou contre, Une rétrospective, MAC Marseille).

NICOLAS BOURRIAUD

L'histoire

Ce qui caractérise tout d'abord le travail de Ben, c'est son rapport à l'histoire. Nul artiste ne fut jamais plus historiciste que lui; ce qu'il vise, c'est sa position dans l'histoire. Il est pourtant frappant de constater que, bien qu'il fut le contemporain de la vague structuraliste, des travaux de Michel Foucault et de Fernand Braudel ou de la redé- couverte de l'école des Annales, sa vision de l'histoire prend le contrepied de la leur. Ben ignore les périodisations longues et les ruptures discrètes de ( I'histoire immobile ) chère à Braudel: I'histoire de l'art qu'il met en scène et qu'il discute est avant tout celle des avant gardes, celle de la recherche du nouveau, au moins dans la première période de son œuvre. La question: " Que peut-on faire de nouveau en art ? ), se pose comme le principe moteur de sa démarche, qui implique d'emblée une transparence absolue: il s'agit de savoir ce qui a été fait et d'agir en conséquence, de réagir contre ce qui existe, de se positionner par rapport à un héritage. Peut-être cette conscience affûtée de l'acquis détermina-t elle non seulement son angoisse du nouveau, mais aussi les bases de son esthétique. Picabia disait: " L'art moderne est mort, et je suis le seul à ne pas avoir hérité". La position de Ben par rapport à l'avant garde n'est pas si éloignée, et elle suffit à légitimer l'excentricité picabienne de son œuvre. Comme Picabia, il n'accorde aucune valeur théorique au style, et il croit au dévoiement de l'art par le non-goût et la surproduction. Comme Picabia, il doit affronter l'ombre ironique de Marcel Duchamp. Comme lui, il croit aux ruptures violentes, au "choc" comme valeur esthétique. Ces similitudes entre les deux hommes naissent d'une configuration intellectuelle comparable: croyant d'une manière absolue en l'Histoire comme valeur et comme sanction esthétique, ils préfèrent tous deux renier l'art s'il ne se montre pas à la hauteur de celle-ci plutôt que renoncer à leur idéal téléologique. Ben comme Picabia sont des artistes du telos déçu. Leur goût commun pour l'aphorisme provient de cette déception fondatrice, en face de laquelle on ne peut que ruminer la pensée. Ben croyait tellement aux vertus du "nouveau" qu'il commença sa carrière,1956-57, par un inventaire des formes utilisées par les artistes modernes: à Ia suite d'une longue enquête, pendant laquelle il remplissait des cahiers de dessins ou de photographies, il découvrit par recoupements que la forme de la banane n'avait jamais été utilisée. Il la pratiqua donc pendant quelque temps, avant de remettre en questio "formaliste" qu'il avait choisie: la peinture de formes abstraites sur une toile, elle-même, n'était-elle pas une voie conformiste ? Il apparaît évident que pourBen cette notion de "nouveau" est synonyme de "différence", cette différence qui permet seule de signifier quelque chose, qui alloue à celui qui la détient le droit d'écrire sa propre histoire. Car l'histoire, selon lui, n'est rien d'autre que celle des différences successives, le récit des ruptures d'avec le commun, d'avec le confort collectif.

Contrairement aux études de "I'histoire immobile" qui portent sur de longues périodes et procèdent par le relevé des petits décalages, des lents processus qui érodent les discours et les dispositifs d'une époque, Ben voit l'histoire de l'art comme un champ héroïque où les idées nouvelles feraient sans cesse exploser les manières de voir. Qui n'apportepas le nouveau n'existe pas en tant que tel. Mais qu'est-ce que le nouveau ? Avanttout, pour Ben, une nouvelle définition de l'art basée sur une forme inédite. Plus encore,une nouvelle annexion du réel par l'art: il perçoit l'art comme un terrain de conquête.Duchamp a annexé l'objet de série, Cage le hasard, etc.

(Extraits du texte paru dans Ben, Pour ou Contre, Une rétrospective au MAC, Marseille).

PROF ULRICH PURITZ

Ben Vautier im Staatl. Museum Schwerin (bis 25.11.2001)

Kunst und Alltag

Ben Vautier pflanzt einen Kaktus, wie es jeder Kaktusfreund tut - vielleicht würde letzterer hierfür keinen bekleckerten alten Farbeimer nehmen, sondern einen Topf aus dem Baumarkt. Bei Ben wird diese Tat zur Kunst. Jeder wischt mal seine Wohnung, Ben wischt darüber hinaus den Bahnhof von Nizza in einer öffentlichen Aktion. Nach Feierabend nehmen wir ein Bad. Ben stellt eine Wanne auf die Bühne und setzt sich hinein, in Schlips und Kragen. Wir legen uns zum Schlafen ins Bett. Ben tut das auch, doch sein Bett steht in einer Galerie oder hängt an einem Kranarm hoch über dem Strand von Nizza.

Ben zerlegt Szenarien des Alltags. Er isoliert alltägliche Dinge, Verrichtungen, Haltungen, Gesten, Handlungsmuster, Ordnungen und Denkfiguren aus ihrem Zusammenhang, untersucht sie hinsichtlich ihrer Implikationen und Potentiale und transformiert sie in künstlerische Aussagen. Damit wird das Leben selbst zum Untersuchungsgegenstand.

Im Zentrum seiner Arbeiten stehen Fragen. Alles, was er tut oder läßt, dient dazu, Fragen zu stellen. Auch seine Behauptungen und ausführlicheren Überlegungen werfen nichts weiter auf als Fragen. Auch wenn er Bilder und Objekte verwendet und diese in Galerien und Museen ausbreitet, stellt er Fragen. An Zeichen, Bildern, Dingen, Räumen und Aktionen interessiert, was mittels Reflexion und Sprache zur Frage werden kann.

Kein Wunder also, dass er auch und vor allem schreibt: in Heften, eigenen Publikationen, im Internet, auf Postkarten, Wänden oder Leinwänden. Die Kunst dient Ben als Sprachrohr, und Sprache wird ihm zu Bildkunst. Mit Sprache bringt er Denken und Anschauung zum Fließen: Fluxus, das war und ist in Frankreich auch und vor allem Ben Vautier.

Kunst des Fragens

„Mit dummen Fragen fängt jede Revolution an", sagt Joseph Beuys. Es lassen sich unterschiedlich dumme Frage stellen. Einige drehen sich um sich selbst wie ein Kreisel, der erlahmt und schließlich umfällt. Andere rennen bockig gegen Wände an. Manche Fragen schießen ein Loch in den Kopf. Dort fährt der Wind hinein, erzeugt Wirbel und trägt die Gedanken fort. Bei Ben Vautier sind viele Sorten von Fragen zu lesen. Eine von jenen, die ein Loch erzeugen, ist diese: „Ist das Nichts wichtig?"

Um dieser Frage auf den Grund zu gehen, hier

Die kleine Geschichte vom Nichts

Nichts ist ein Wort. Sonst nichts.

Als Wort ist es wenig nütze. Es bedarf einer Frage, damit es hervortrete aus dem Thesaurus und sich zeigen und offenbaren würde.

Um dies zu bewirken formulierte ein gewisser Ben Vautier die Frage: „Ist das Nichts wichtig?" So kam es, dass durch ihn mit einer Frage das Nichts zu Wort und Bild gekommen ist.

Das setzt voraus, das es mittels Farbe oder Stift auf Papier oder Leinwand geschrieben wurde von einem Körper, der des Schreibens durch Lernen und Üben mächtig ist. So kam die Frage nach dem Nichts zustande und nicht etwas anderes.

Diese Frage funktioniert nur, wenn ein Weiteres geschieht: Sie muß gelesen und verstanden werden, um sich auszubreiten in anderen Personen, damit auch sie nachdenken über das Nichts und nicht über etwas anderes. Nur so — im Austausch vieler Ansichten und Überlegungen - würde das Nichts sich ergründen lassen.

Das setzt voraus, dass es Personen gibt, die das Wort Nichts in seiner Sprache lesen können. Es sind viele, keineswegs alle. Wer schon spricht Französisch oder Deutsch? Damit stößt das Nichts auf Grenzen: Dort, wo es nicht gelesen und verstanden werden kann, kommt es nicht hin.

Ben Vautier als Agent des Nichts arbeitet daran, dass es mehr werden, die es lesen und befragen können. Deshalb schickt er das Nichts auf Reisen. Und deshalb läßt er das Nichts die Sprache wechseln - von einem Nichts in ein anderes Nichts.

So entstehen viele Nichts, angestoßen durch das eine, das als Frage zu Bild wurde. Mit jedem neuen Leser kommt ein neues Nichts dazu. Es schießt ein Loch in die Gedanken. Auch wenn der Leser nun die Augen schließen würde, es ließe sich nicht mehr wegdenken.

Über dem Wortbild, das mit Bedacht zum Bildwort wurde und sich in viele andere Wortbilder einfügt, summt eine große Wolke aus lauter Nichts, die sich hier versammeln und die man weder hören noch sehen kann. Und jedes Jahr wird diese Wolke größer. Inmitten von allem Möglichen entsteht ein imaginäres Gebilde aus vielen einzelnen Gedanken, zusammen eine immaterielle Skulptur aus lauter Nichts.

Die Freunde all dieser Nichts wiederum hegen und pflegen das in sorgfältigem Weiß auf schwarzem Grund geschriebene Nichts und tragen es gewissermaßen auf ihren Schultern. So kommt es an Orte, an denen es zuvor nicht war. Hier breitet es sich aus mit der Frage nach sich selbst. So kam es auch in diesen Text. Auch das ist für das Nichts etwas Neues.

Doch damit hat das Nichts gerechnet. Es weiß um seine Wirkung. Daran wurde gründlich gefeilt. Überdies kostet es Unterhalt und die Ateliermiete will bezahlt sein. Auch die Fahrt von Nizza - von wo es kommt — nach anderswo kostet. Deshalb hat es seinen Preis. Es wartet darauf, dass es einen roten Punkt bekommt. Denn das Nichts hofft auf eine Zukunft.

Wie zu sehen ist: das Nichts ist eine ganze Menge.

Ben selbst gibt wenigstens zwei Antworten auf seine Frage „Ist das Nichts wichtig". Eine davon lautet: rien n’est pas rien. Das Nichts ist nicht nichts.

Eine andere: quoi de plus important que rien. Eine Frage, die zugleich sich selbst beantwortet: Was gibt es wichtigeres als das Nichts.

Dumme Fragen

Ben stellt Fragen. Dumme Fragen. Mit einigen von ihnen könnte eine Revolution beginnen.

Dumme Fragen sind jene, die wir seit den Kindertagen - als jeder von uns Vater und Mutter damit zur Verzweiflung brachte - verlernt haben, weil wir vernünftig geworden sind, weil wir uns auf das System einer verabredeten Vernunft eingelassen und darin eingeschlossen haben. Dumme Fragen sind jene, die über den Rand einer eingeübten Vernunft hinaus weisen. Sie wollen gründlich erfunden und erdacht sein. Das bedarf eines kritischen Geistes, der Übung, des Gespürs, der Weitsicht, eines disziplinierten Intellekts und eines philosophisch begründeten Konzeptes.

Ben Vautier stellt seine Fragen uns, damit wir schlauer werden, uns schlauer machen. Denn unsere Vernunft hat uns schlau gemacht und zugleich dumm werden lassen. Wir bewegen uns in ihr wie in einem Laufstall mit rechten Winkeln, festen Ordnungen und Regeln, den wir aus Angst vor Überraschungen nur ungern verlassen. Er spricht also zu uns, damit wir uns herauswagen aus gewohnten Bahnen. Er ist ein durchtriebener Pädagoge.

Wir müssen tatsächlich schlauer werden in einer Welt, in der Attentäter mit Flugzeugen absichtlich in Hochhäuser rasen, um Tausende von Menschen in den Tod zu reißen, in einer Zeit, in der Bakterien, in weißes Pulver gemischt, Menschen verseuchen sollen und nun — da uns nichts besseres einfällt - Bomben auf Afghanistan fallen. Wie soll man das alles begreifen, wenn wir uns mit einer Vernunft bescheiden, die ihre Gitterstäbe liebt?

Ben Vautier ist Gedankenkünstler. Er denkt über das alltägliche, kulturelle und politische Leben nach und fragt sich, was ist wichtig, was müßte sich ändern und was kann die Kunst dabei leisten. So kommt er zu seinen Fragen. Sie sind deshalb auf hintersinnige Weise „dumm", weil sie so gewählt und formuliert sind, dass sie nicht zu Antworten führen, sondern in Denkbewegungen münden ohne Geländer, festen Boden und Zielangabe.

So bekommen auch die Wände eines Museums oder einer Galerie Löcher. Das Leben in unterschiedlichen Schattierungen kommt herein und belebt diese wohl behüteten und vom Alltagsleben abgeschotteten Orte der Aufbewahrung und des Vorzeigens mit ungewöhnlichen Fragestellungen.

Das ungewöhnliche an ihnen ist, dass sie so gewöhnlich sind, doch dass wir uns an diese Art von Fragen nicht gewöhnen können, weil sie irgendwie nerven, weil sie wie Kaktusstachel im Finger oder anderswo stecken bleiben und uns im Alltagstrott stören. Wir müssen anhalten, innehalten, uns Zeit nehmen, um den Stachel anzusehen und etwas gegen oder für ihn unternehmen zu können.

Es gibt ein Foto von Ben aus dem Jahr 1994. Darauf legt er den Arm um einen Kaktus und schaut mit gespielter Brummigkeit in die Kamera. In der Hand hält er eine Tafel mit der Aufschrift : "J‘aurais voulu être ce cactus dans le cul de l‘art.."

Übersetzt heißt sinngemäß: Ich möchte einmal dieser Kaktus im Hintern der Kunst gewesen sein.

Das ist sein Programm. Ben Vautier, der Kaktus, ist derzeit in Schwerin zu sehen (bis 25.11.2001). Das ist eine Reise wert.

Prof. Ulrich Puritz
Lehrstuhl Theorie und Praxis der Bildenden Kunst
Caspar-David-Friedrich-Institut
Universität Greifswald
E-mail: puritz@uni-greifswald.de

ENRICO PEDRINI

Ben Vautier tra due attitudini

E' da alcuni anni che osservo Ben Vautier nel suo territorio di Nizza per cercare di capire quali sono i suoi caratteri e le sua attitudini napoletane e quelle invece francesi. L'inprinting culturale e sociale di un luogo informa la personalità di un artista in quanto egli indubbiamente non esprime solo se stesso ma è a volte anche la sintesi di una cultura e di un contesto. Ben Vautier nasce a Napoli nel 1935 e quì trascorre i suoi primissimi anni. Negli anni successivi è a Smirne e ad Alessandria d'Egitto. Quando ha circa 10 anni torna a Napoli dallo zio, che ha una fabbrica di lampare, quelle che vengono applicate alle barche dei pescatori per la pesca notturna. Frequenta così i ragazzi di questa città, si intrattiene con loro e ne assume gli atteggiamenti. Penso che questo periodo, di grande formazione umana e comportamentale, abbia lasciato delle tracce indelebili nella sua futura personalità. La grande capacità istrionica e coinvolgente che lo distingue, la facilità di parola, il gusto del gioco, lo spirito effervescente che colpisce chi lo ascolta, la possibilità di possedere sempre "un tempo ironico e comico" con cui raccontare i fatti e gli avvenimenti della vita e dell'arte, il radicamento sempre attento al proprio territorio e la considerazione verso gli altri artisti, che in Ben diventa esplicita "gelosia", sono a mio parere caratteri che appartengono alla sua città natale. L'attitudine invece alla speculazione teorica incline a volte al paradosso, la convinzione che la trasgressione nell'arte sia un elemento di costante cambiamento, l'esigenza di essere conosciuto come innovatore nei linguaggi dell'arte, lo spirito critico che lo porta ad esprimersi attraverso gli scritti, il tendere costante verso un rigore etico sono elementi che certamente appartengono alla cultura francese.

Negli anni '50 Ben è a Nizza dove lavora come commesso in una libreria della città. Le sue prime esperienze artistiche lo vedono pittore astratto. Nel 1958 conosce il lavoro di Marcel Duchamp e ne riporta un vero e proprio choc. Incontra Yves Klein e ha frequentazione con gli artisti del Nouveau Réalisme, quali Arman e Spoerri. In quel frangente prende coscienza che l'arte è soprattutto una questione legata alla firma dell'artista e decide quindi di fare della propria firma il contenuto di un quadro. Nel 1960 Ben scrive che "il nuovo diventa elemento di trasformazione" e che "l'artista deve essere un innovatore completo capace di scoprire una forma originale che genererà una nuova scuola" All'inizio del successivo decennio, Ben diviene propugnatore di un'estetica dell'appropriazione che lo porterà a prendere possesso di tutto ciò che Duchamp non aveva ancora firmato, come un buco per terra, la città di Nizza, proclamata "opera d'arte aperta", Dio, i quadri altrui. Espone se stesso sulla passeggiata di Nizza e teorizza il concetto "per cambiare l'arte bisogna cambiare l'ego".

Di quel periodo (1962) è l'incontro con Maciunas, l'animatore di FLUXUS. Ben diviene uno dei principali artisti di questo movimento e soprattutto uno dei suoi più raffinati teorici. Nel 1963 Ben espone un drappo sulla strada e sostiene che non esiste nessuna differenza tra un dipinto e una banderuola: ciò che conta è il messaggio. Si interessa poi di filmare con una cinepresa le azioni della strada. Nel 1973 realizza "la déconstruction du tableau" in 176 pannelli che contengono tutto ciò che c'è in un dipinto: il gesto, il tempo, l'ego, etc. Nel 1977 il suo interesse per le etnie diventa uno dei suoi contenuti ideologici maggiori e nella mostra a Parigi "A propos de Nice" pubblica dieci pagine sul problema. Negli anni '80, passata l'ondata concettuale, Ben inventa, per la nuova tendenza pittorica emergente in Francia, il termine "Figuration Libre" ed introduce nei suoi lavori una componente figurativa ironico-grottesca. In quest'arco di tempo la sua attività non ha registrato soste. Ben ha vissuto quindici giorni nella vetrina della One Gallery di Londra, ha organizzato Festival FLUXUS, venduto dischi usati, fondato il Théatre Total, tenuto performances come "Public" (in cui la sua azione consisteva appunto nel fissare il pubblico). Ha girato poi un film che lo riprendeva nell'atto d'insultare gli spettatori, ha pubblicato riviste, scritto un volume di interventi teorici, impiantato nella sua casa una galleria intitolata "Malabar et Cunegonde" , ideato dibattiti all'insegna del "Pour et Contre".Recentemente ha aperto un'altro spazio a Nizza "Le Centre du Monde".

Nel 2001 il Museo di Arte Moderna e Contemporanea di Nizza gli ha dedicato una importantissima mostra dal titolo:"Je cherche la verité"

Enrico Pedrini