AVANT-GARDE ET PEUPLES (1979-1986)

ART (AVANT GARDE DES ETHNIES MINORITAIRES)

Quatre remarques :

1) tous les peuples et cultures du monde, qu'ils soient Aborigènes, Bantous, Anglo-saxons, Français ou autres, ayant tous, derrière eux, le même nombre de siècles passés, décréter que certains sont artistiquement en retard sur d'autres est faux, tous sont contemporains.

2) c'est la réalité des rapports de forces entre ethnies qui établit une différence hiérarchique cherchant à réduire la modernité à la production de 5 ou 6 d'entres elles, désirant leur faire croire qu'elles sont en avance sur les autres.

3) chaque culture représente à travers sa langue une vision différente d'un monde artistiquement non hiérarchisable.

4)Il est important que tous les peuples, toutes les cultures, soient maîtres de leur destinée et évitent de chercher à imposer leur culture à d'autres. (Ce qui n'exclut pas l'échange )

Ceci étant, il faut éviter que l'artiste ne devienne une vache à lait culturelle manipulée par une propagande institutionelle

ART : CREATION ET AVANT-GARDE (1986)

J'ai écrit dernièrement que la prochaine révolution en art serait l'ethnisme. C'est-à-dire que dans les dix prochaines années, les artistes ne se battront plus pour pénétrer dans une histoire de l'art unidirectionnelle dans laquelle Duchamp triomphe de Matisse et Matisse de Kandinsky, mais une histoire de l'art multidirectionnelle. La créativité de l'artiste sera non seulement l'affirmation de sa singularité mais aussi la volonté d'approfondir son identité ethnique. Pour donner un exemple, un artiste noir ne cherchera pas à imposer une personnalité à l'occidentale mais à être original à partir de sa négritude ou de son ethnie.

ART CREATION ET ETHNIE

L'artiste croit souvent être seul au monde. Seul à créer, seul face aux autres. Cela est faux.
Pour paraphraser Mallarmé, je dirais que tout artiste cherche à donner un sens plus pur aux mots et aux images de sa tribu.
L'art c'est l'acceptation des différences, c'est l'opéra Italien, c'est Wagner, ce sont les chants Maoris, c'est une berceuse Corse.
Ce qui signifie que l'artiste n'existe qu'avec ce qui compose son identité c'est-à-dire la mémoire de son groupe. Sans mémoire des peuples, l'art n'existe pas non plus. Dante, Cervantès, Baudelaire, Shakespeare (pour ne citer que des européens) ne peuvent se comprendre qu'en relation avec leur langue et leur culture respectives.

ART DU TIERS MONDE ET DES PEUPLES PRIMITIFS (1979)

L'attitude de "l'Occident" envers les artistes d'avant garde des cultures du tiers monde consiste d'une part, à leur refuser le statut de modernité, reléguant leur art contemporain dans les musées anthropologiques et, d'autre part, à piller cette même contemporanéité (80% de l'art Africain se trouve en Europe et aux U.S.A.). Quelles que soient les circonstances, c'est du vol !
Il faut que des accords internationaux réglementent le retour des œuvres d'art que les occidentaux ont pris aux cultures du tiers monde. On stipulerait le retour pur et simple de ces œuvres d'art dans le cadre d'un accord mutuel avec possibilité d'échanges.
Par exemple, si Le Louvre désire garder une salle d'art Egyptien, il faudra que le musée du Caire puisse recevoir, en échange, une salle équivalente d'art français du 18 ème siècle.

ART ET RAPPORTS DE FORCE (1980)

Actuellement, la situation mondiale de l'art moderne est le reflet des rapports de force entre nations et ethnies. Quatre ou cinq ethnies se partagent le marché artistique dit d'avant-garde, obligeant les créateurs des autres ethnies ou bien à être considérés comme des produits folkloriques inintéressants ou bien à s'intégrer dans le champ unidirectionnel Matisse-Duchamp-Malévitch, etc. Un exemple frappant : le Canada, où le marché de l'art refuse de reconnaître les sculpteurs Inuits comme d'avant-garde, bien que les recherches formelles de ces artistes soient particulièrement novatrices.
D'autres exemples : la peinture Africaine, l'art Aborigène etc sont créatifs mais sous-évalués, méprisés.

ART ET STYLE DES PEUPLES

Aucune création n'est spontanée : on ne crée pas à partir de rien. Le style, c'est la manière d'un peuple de se répéter sur le plan formel. Cette répétition a pour but d'affirmer, de souligner et de garder en mémoire la différence. Elle passe par la langue, la musique, les formes (architecturales, etc.), la cuisine, ainsi que la peinture. Quand le peuple catalan danse la sardane interdite par Franco, c'est son "style" qu'il défend. Quand Nîmes vibre dans ses arènes pour l'art tauromachique, c'est également un peuple qui souligne sa différence. En musique, on admet très vite l'évidence : chaque peuple a ses rythmes et son tempo. En peinture, c'est plus difficile à appréhender car l'avant-garde (objet de consommation des riches) baigne dans le cosmopolitisme. Néanmoins, même dans une telle situation, les différences qu'on observe entre artistes portent la marque des identités culturelles. Ainsi, Tapiès et Miro, qui pendant longtemps ont fait figure de représentants d'une Ecole de Paris, revendiquent aujourd'hui leur identité catalane.

ART UNIVERSEL

Il est dérisoire d'imaginer une fête universelle, la même pour tous. La fête Corse n'est pas la fête Catalane ou Bantoue. Organisons un "festival de fêtes", et nous constaterons qu'il s'agira d'un festival des différences, et non de l'uniformisation. Il en va de même pour tous les autres arts, peinture, cuisine, musique etc., qui ne sont universels que par et dans leur différences.

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